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11 mars 2016 5 11 /03 /mars /2016 16:17

Allez voir Spotligth, le film. Il montre comment, à partir d’un fait divers, des journalistes découvrent en 2002 l’ampleur des viols d’enfants par des prêtres, systématiquement couverts par leur hiérarchie. Cet épisode a révélé le phénomène. Il concernerait environ 6% des prêtres dans le monde ; des centaines de milliers d’enfants traumatisés à vie, jusqu’au suicide.

Comment est-ce possible ? On dénoncera célibat ou chasteté imposés aux religieux. C’est vrai. Mais cela ne suffit pas. On dénoncera l’approche culpabilisante de la sexualité par l’Eglise catholique, c’est vrai. Mais cela ne suffit pas. On dénoncera une institution dont tous les représentants sont toujours en position d’autorité et de surplomb sur les hommes, les femmes. Et les enfants. C’est vrai, mais cela ne suffit pas. On dénoncera une Eglise dont l’institution est exclusivement composée d’hommes, solidaires dans leur vision des femmes et des enfants. C’est vrai. Mais cela ne suffit pas. On dénoncera le secret, l’impunité interne et l’hypocrisie auxquels tout cela conduit. C’est vrai. Mais cela ne suffit pas. Il faudra bien en arriver à dénoncer le système institutionnel et théologique du catholicisme, aux conséquences parfois dramatiques. Car la question n’est pas simplement celle d’une minorité de brebis galeuses – il y en a partout – à côté d’une majorité de prêtres sincères et dévoués. C’est celle du système qui a permis le silence et repose sur les fondements théologiques et ecclésiologiques du catholicisme. Ce ne sont pas des hommes qui sont coupables. Pas seulement. C’est un système. Reconnaissons et admirons le changement d’attitude du précédent pape et surtout de l’actuel, qui ont décidé d’arrêter l’impunité, de parler et d’agir. Mais c’est le système (sexisme, culpabilité du plaisir, surplomb, hiérarchie, secret…) qui a besoin d’être transformé, pas seulement des individus qui doivent être stigmatisés et punis. Beaucoup de fidèles catholiques attendent avec impatience cette transformation. L’agitation autour du Cardinal Barbarin, sur laquelle je ne me prononce pas, en illustre encore la difficulté.

A l’approche de 2017 et du 500e anniversaire des thèses de Luther, on nous dit légitime d’inviter des représentants officiels du catholicisme, sans même suggérer à l’Eglise romaine de lever l’excommunication de Luther. Bien sûr, cette excommunication, 5 siècles plus tard, on s’en moque. Bien sûr, nous sommes frères en Christ, en foi et en prière. Mais la question est de savoir si nous avons le droit, ou même le devoir, de questionner ces frères catholiques. De nous parler avec vérité, au nom de l’Evangile qui nous est commun, et cet Evangile en mains. Et de parler, en tant qu’Eglises sœurs, de ce qui, chez eux, cause encore des souffrances et donc pose question à tous les croyants. Comme nous leur serons reconnaissants de ce qu’ils ont eux-mêmes à nous dire ou nous avertir.

Parce que si nous ne le faisons pas, nous sommes complices. Nous couvrons des frères en foi, au même titre que la hiérarchie qui a couvert ces horreurs. Nous devenons complices de ces prêtres perdus et de ces prélats ‘couvreurs’. Est-ce que l’œcuménisme nécessite la complicité ? Ou doit-il permettre des paroles fraternelles mais vraies ? Parce que c’est bien un système institutionnel et une théologie qui pèchent ?

Personnellement, si je me taisais, je me saurais complice, et je mourrais de honte.

Article publié, un peu abrégé, dans Réforme du 25/2/2016

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