Curieux : la plupart des grandes religions ont été fondées par un individu jeune, non conformiste, transgresseur, innovant, souvent provocateur, et presque toujours rejeté par les institutions : Jésus, Mohammed, Moïse, Bouddha, Luther à son échelle… Alors pourquoi faut-il que la plupart d’entre elles deviennent les organes les plus conservateurs de leur société, en matière religieuse, morale, familiale ou sociale ? Comme si elles s’appropriaient avec naturel le rôle de défenseures du passé ?… Nos récents Papes en ont donné la désarmante incarnation.
A chaque nouvelle élection, le monde et le protestantisme expriment leurs espoirs et leurs attentes envers le nouveau Pape. Souvent déçus. Le nouveau Pape sera-t-il un Pape nouveau ? Ses premiers gestes symboliques réjouissent, son passé controversé inquiète.
Mais nous saurons vite, selon qu’il prendra, et que la Curie le laissera prendre, ou non, l’une des décisions suivantes : au minimum proclamer l’intercommunion entre les chrétiens de toutes Eglises, mais mieux encore, autoriser le mariage des prêtres, l’ouverture de la prêtrise aux femmes, ou renoncer à son pouvoir temporel et doctrinal.
A défaut, nous n’aurons qu’un nouveau Pape.
Moi qui rêve d’un Pape universel, débarrassé de ses pouvoirs temporels ou disciplinaires et de ses prescriptions dogmatiques ou morales ; élu par les représentants de toutes les Eglises chrétiennes, pas systématiquement catholique ; pour un mandat limité dans le temps, de simple représentation et témoignage, comme le témoin d’une authentique figure spirituelle – je crains de devoir encore attendre.
Et que le système papal demeure longtemps un dramatique contre-témoignage de la foi chrétienne.
Cela ne nous empêche pas de prier pour François I et pour notre Eglise sœur, aux immenses responsabilités, en nous souvenant que l’Esprit Saint peut, toujours, nous surprendre. Il l’a fait si souvent ! Alors espérons. Quand même.
Jean-paul Morley
Son origine jésuite garantit une formation spirituelle et intellectuelle solides. Mais ne garantit pas sa capacité de réforme : Jean-Paul II était un homme de foi, et il a laissé à sa mort l’Eglise catholique plus conservatrice qu’elle ne l’était à son arrivée ; Benoît XVI était un grand intellectuel, et il a laissé à son départ l’Eglise catholique encore plus conservatrice qu’elle ne l’était à son arrivée. Creusant chaque fois davantage le décalage entre l’Eglise la plus visible du monde et son temps.