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25 février 2016 4 25 /02 /février /2016 16:07

Vacances d'hiver et Carême viennent de commencer. Pour des protestants, la préparation de Pâques, c’est un temps pour ménager plus de temps à la prière et la lecture de la Bible…

Alors je vais vous raconter une expérience personnelle de petites vacances comme celles-ci. Elle m'a donné à réfléchir un peu.

Mais d'abord, relisez dans la Bible la fameuse réponse de Salomon, futur plus grand roi d'Israël, alors qu'il vient d'être intronisé après la mort du roi David, son père, et que Dieu lui demande ce qu'il veut pour son règne : I Rois 3 : 5-17

Voilà quelques années, j'ai fait une intéressante vérification pratique et impromptue de ce que je prêche jour après jour ou année après année.

Nous étions partis en vacances pour une semaine avec deux amies. Les deux premiers jours, je n'étais pas très content : pas de très bonne humeur, un peu bougon, un peu enrhumé, pas satisfait ni de ce je faisais, ni de l'organisation des vacances ; bref, maussade, taciturne et pas agréable pour mes co-vacancières.

Un peu bête de gâcher ainsi des vacances !

Alors j'ai réfléchi. Et qu'ai-je découvert ? Que pendant ce début de vacances :

Premièrement je n'avais guère prié ;

Deuxièmement j'avais prévu ce que je voulais faire pour moi, travaux ou loisirs, et comment devrait s'organiser la vie à mon idée ;

Mais troisièmement que je n'avais pas envisagé ce que je pouvais faire pour mes trois co-vacancières, au-delà bien entendu du minimum syndical, pour leur rendre leur séjour heureux et bienfaisant.

Résultat : c'était moi qui n'étais pas heureux, et qui ne me faisais aucun bien ! Alors j'ai juste changé de logiciel :

Premièrement, j'ai recommencé de prier, pour offrir ces quelques journées restant de vacances, et m'offrir à y être utile ;

Et deuxièmement j'ai décidé de me rendre attentif et agréable aux trois autres.

Résultat : le lendemain matin, je me suis réveillé tout joyeux, j'ai changé de mode avec mes trois co-vacancières, et… je me suis retrouvé heureux. Je ne sais pas si j'ai été plus agréable, mais, sans doute, j'espère avoir été au moins... moins désagréable !

C'est quand-même extraordinaire ! Car qu'est-ce que je prêche, de culte en culte et de catéchisme en catéchisme ? Que le secret du bonheur est extrêmement simple, et qu'il se trouve au cœur de l'Evangile : d'abord comprendre que vivre pour soi est une impasse et la certitude d'être malheureux ; ensuite que le secret n'en est pas un : il est de faire passer autrui avant soi-même, et d'en trouver la force dans l'amour reçu de Dieu.

En termes bibliques, cela s'appelle : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ta force, et tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Autrement dit : l'égoïsme ordinaire, courant, naturel, le mien par exemple, conduit à la tristesse et au malaise intérieur ; tandis que le souci d'autrui avant soi-même conduit au bonheur et à la paix intérieure… C'est bien ce que je prêche opiniâtrement. Et c'est donc vrai ! En huit jours, je l'ai vérifié, comme un exercice pratique. C'est du vécu !

Alors, vous savez quoi ?

Si vous en êtes déjà convaincu, continuez : vous êtes heureux. En cas de doute, faîtes comme moi l'expérience contraire, pour vérifier.

Si vous n'en êtes pas convaincus, alors vraiment, faîtes l'exercice pratique, je gage qu'une seule journée d'exercice suffira à vous convaincre !

Vous voyez, l'Evangile, ce n'est pas si compliqué à vivre, et c'est la porte du bonheur.

Trop facile ? Je peux dire cela parce que ma vie est facile, avec une famille, un toit, un travail, des enfants en bonne santé ? Exact.

Pourtant, permettez-moi de maintenir mon affirmation, en m'appuyant cette fois sur ce que j'ai observé autour de moi : c'est justement quand tout va mal, quand le malheur vous frappe, deuil, naufrage social, maladie, dépression, c'est justement alors – et je l'ai observé chez d'autres avec admiration – qu'il nous faut à tout prix nous obstiner à penser autrui, avant soi-même, au bonheur d'autrui avant le mien, malgré le mien. Non pas qu'il faille se négliger ou se sacrifier, au contraire, toujours s'accepter soi-même, se respecter et prendre soin de soi, mais c'est seulement en pensant à autrui avant soi-même qu'on reste humain, qu'on reste des êtres humains, et qu'on peut, malgré tout, garder ou retrouver une part de bonheur en soi – en la confiant au Père, et en le suppliant de continuer à nous donner suffisamment de force pour cela : continuer de penser autrui avant soi-même.

C'est bien cette force-là que nous demandons dans la prière, comme Salomon devenant roi, et c'est elle que nous recevons à la Sainte Cène que nous partageons le dimanche.

« O Seigneur,

que je ne cherche pas tant à être consolé qu'à consoler,

à être compris qu'à comprendre,

à être aimé qu'à aimer.

Car c'est en se donnant qu'on reçoit,

c'est en s'oubliant qu'on se retrouve,

c'est en pardonnant qu'on est pardonné,

c'est en mourant qu'on ressuscite à l'éternelle vie. » (Saint-François d'Assise).

Et puis je vous propose deux nouvelles histoires, ou plutôt une double : celles de deux jeunes hommes que j'ai connus, voici quelques années. Deux histoires parfaitement authentiques.

Ces deux jeunes hommes ont, l'un et l'autre, peu de diplômes.

L'un est africain, noir et tout, orphelin, et débarque en France avec des papiers un peu truqués et un français approximatif. Très peu de chance d'être régularisé et de réussir son immigration.

L'autre est blanc, français et tout, et d'une bonne famille, bonne éducation, beau gosse, contact agréable, une jeune épouse charmante, beaucoup d'ambition et d'énergie. Beaucoup d'atouts pour réussir.

Mais le premier a une confiance étonnante en Dieu, envers les autres, envers l'avenir, envers sa bonne étoile. Et quand il prie, chaque jour, il prie comme Salomon, c'est-à-dire avec une immense humilité et en demandant uniquement que Dieu l'aide à bien faire et à vivre juste et fraternel.

L'autre ne fait confiance à personne, ne croit pas en Dieu, a confiance en lui, en son avenir, qu'il conçoit comme un combat. Il ne prie jamais, occupé par des choses tantôt plus sérieuses, tantôt plus excitantes.

Le premier se retrouve donc à Paris, seul, sans logement, ni famille, ni travail, survivant de petits services et boulots grappillés, et en évitant les contrôles d'identité.

L'autre, par les relations de son père, trouve un travail dans la finance, où il peut investir son ambition et son énergie.

Mais finalement, la confiance du premier, sa gentillesse, sa disponibilité lui permettent de faire des rencontres, certaines improbables, qui se transforment en amitiés imprévues, puis en un réseau de vrais amis qui finit, avec l'appui d'une Eglise, par lui permettre de trouver un logement, des papiers, un travail, des études, une vraie embauche et pour finir une naturalisation.

Tandis que l'autre se retrouve licencié avec la crise économique, riche d'un petit capital et d'une bonne expérience, mais seul, sans aide, juste un réseau professionnel… qui s'évapore rapidement. En peu de temps son capital a fondu et il ne retrouve pas de travail.

Coïncidence, c'est à la même époque que l'un atterrissait en France et que l'autre perdait son emploi. Quelques années plus tard, leurs trajectoires s'étaient inversées, contre toute logique.

Qu'est-ce que je suggère ?

Que l'un est béni de Dieu, aimé ?

Que l'autre est puni de Dieu, non aimé ?

Non, bien sûr.

L'un béni ? Oui, ces rencontres improbables, ces amitiés, cette certitude d'être accompagné… oui, mais tout cela rendu possible par sa confiance, son écoute, sa disponibilité, son sens du service sans aucun calcul : on peut appeler cela la foi.

L’autre puni ? Non, mais Dieu rendu impuissant, ne pouvant rien faire ni guider, faute d'une confiance en face de lui, d'une écoute, d'une disponibilité : on appelle cela une foi…

Tous les deux sont certainement aimés de Dieu autant l'un que l'autre. Sans doute avec un regard de tendresse pour l'un, un regard désolé et désarmé pour l'autre…

Eh, bien oui, c'est bien cela que je veux dire : la confiance envers les autres, envers Dieu, envers ce qui adviendra de nous-même, est une vraie clef. Cela s'appelle la foi, et la Bible sait que la foi est la clef de la bénédiction qu'elle promet. Cela paraît simpliste à prétendre, simpliste à prêcher, mais c'est tout simplement vrai : Dieu a besoin de nous pour nous bénir.

La foi, la confiance et la fidélité ouvrent la porte du bonheur et de la bénédiction, mais l'absence de foi et de confiance fait glisser vers celle du désespoir et de la solitude. C'est simplement vrai, annoncé par la Bible, et éprouvé. Bien sûr, on peut avoir une vraie foi et être frappé par le malheur. Mais, même alors, on peut continuer d'être guidé si on parvient à garder cette confiance.

Une image toute simple pour finir : imaginons une forêt vierge. On s'y perd. C'est dangereux. Mais imaginons aussi une longue corde qui la traverse : s'y accrocher permet d'arriver à destination et d'éviter les dangers.

Cette forêt existe : c'est la vie. Pour chacun, chacune.

La corde existe aussi : elle est donnée par Dieu, au quotidien. Elle ne se voit guère, elle est discrète, mais elle est là : il suffit de la tenir. Il suffit de lui faire confiance. Confiance en Dieu. Et prier. Comme Salomon, en se mettant au service.

Jean-paul Morley

Cultes du 2 février 2016

Lectures : I Rois 3 : 5-10

I Thessaloniciens 5 : 16-24

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10 février 2016 3 10 /02 /février /2016 19:19

La foi et la raison… Ennemies ou copines ?

Par les temps qui courent, l'impression est plutôt qu'elles sont ennemies. Quand on voit où mène la terrible certitude de posséder la seule vérité, généralement associée à la volonté de l'imposer aux autres… Quand on voit ce que cela donne au Moyen-Orient, ou même ici en France, avec les contre-radicalisations qui surgissent jusque chez des chrétiens ou chez les tenants d'une laïcité anti-religieuse… On a peur.

Mais doit-on forcément choisir entre croire et réfléchir ?

Et si, au contraire, c'était maintenant ou jamais que nous avions besoin de marier la foi avec la raison ?

Essayons d'y voir clair. Qu'en dit la Bible ? Déjà, parle-t-elle de ce mariage ou de ce combat entre foi et raison ? La réponse est oui.

D'abord un incroyable scénario, et terriblement intelligent :

Premier temps : Dieu crée l'univers. Et au centre – si tant est que l'univers ait un centre – Dieu crée l'être humain, qu'Il crée à sa propre image, c'est-à-dire homme et femme à la fois, ensemble.

Deuxième temps : le Créateur place l'homme et la femme dans un magnifique jardin, tout confort et toute abondance. Les humains n'ont rien à faire, ni à travailler ; mais ils s'ennuient peut-être un peu, leur vie n'est pas très créative…

Troisième temps : le Créateur, un peu machiavélique, plante au milieu du jardin un bel arbre, un arbre qui donne la connaissance : à la fois l'intelligence et le jugement entre ce qui est bon et ce qui ne l'est pas. Voilà un arbre bien intéressant ! Mais Dieu interdit d'en consommer…

Quatrième temps : pourtant le Créateur, de plus en plus machiavélique, envoie sa créature la plus astucieuse, le serpent, pour inciter l'homme et la femme à consommer quand-même de cet arbre…

Cinquième temps : ils craquent, ils consomment, sans doute d'ailleurs dans tous les sens du mot, et...miracle ! Leurs yeux s'ouvrent, la connaissance leur vient, l'intelligence, la raison, et le jugement entre ce qui est bon et ce qui est mauvais…

Sixième temps : ayant ainsi reçu, et même gagné, la liberté, ils reçoivent aussi la responsabilité ; et Dieu, en les chassant du paradis, leur confie la terre, à dominer, cultiver et garder.

Formidable scénario conçu par Dieu, le Créateur – et avec quel humour – pour les humains, accédant, par leur propre initiative, à l'intelligence, la liberté et la responsabilité…

Chacun aura reconnu le début de la Bible, où Adam et Eve, tentés par le serpent, transgressent l'interdit et croquent le fruit de la connaissance du bien et du mal. Traditionnellement, dans la mémoire de chacun, ce récit mythique est présenté comme un péché originel, une faute des premiers humains vis-à-vis de Dieu, une faute conduisant à une chute.

Mais mon récit a raconté l'inverse : une transgression, oui, mais qui permet à l'être humain de savoir, de choisir et de décider. Une ascension, et non une chute. D'ailleurs, la Bible ne parle jamais de chute à ce sujet…

Et voilà : mon modeste résumé est un exemple de mariage entre la raison et la foi, un exemple de la réflexion appliquée à la tradition biblique et religieuse. Qui d'un coup passe d'une vision accablante et culpabilisatrice à une vision engageante et libératrice : lumineuse !

Cerise sur le gâteau : cet exemple de combinaison de la foi, de la tradition et de la raison nous suggère justement que Dieu a voulu notre intelligence et notre jugement.

Et s'Il a voulu notre intelligence et notre jugement, c'est pour nous en servir, y compris et peut-être d'abord avec Lui, dans notre relation avec Lui, dans notre compréhension de ce qu'Il est et de ce qu'Il nous veut. Il a voulu que foi et raison soient copines…

D'autres indices de la foi et de la raison bonnes copines ? Bien sûr.

Au début des Évangiles, lors de ce qui est presque une autre Création, Jésus parle et agit pour la première fois : c'est encore un enfant, il a 12 ans, un préado. Il est à Jérusalem avec ses parents. Mais il leur échappe, se glisse dans le magnifique Temple de Jérusalem, tout neuf, qu'Hérode vient de bâtir, et il s'approche d'un groupe de sages qui discutent de la Loi de Dieu. Alors tout gamin qu'il soit, Jésus se mêle à la conversation, les interroge, répond, discute, compare, acquiesce, met en question, et les docteurs en théologie sont impressionnés par son intelligence et sa perspicacité. Je cite la Bible « Tous ceux qui l'entendaient étaient stupéfaits de son intelligence et de ses réponses »… Non pas de sa foi, ses miracles ou son charisme, mais de son intelligence ! Ainsi, la première chose que Jésus encore enfant fait dans l’Évangile, c'est de dialoguer, réfléchir et échanger avec des experts en foi et en religion…

Quel encouragement !

Et d'ailleurs, si nous-même ne le faisons pas, si nous dédaignons, si nous nous interdisons, pire : si nous interdisons de réfléchir sur notre foi, nos croyances et nos convictions, alors nous nous exposons à de cinglantes répliques de la part de Jésus Lui-même, le Fils de Dieu. Je cite à nouveau, dans la Bible, Jésus : « Etes-vous encore sans intelligence, vous aussi ? Ne comprenez-vous donc pas ? » .

Un reproche qui fait écho au Livre de Job. Job, c’est cet homme juste et pieux qui est précipité dans un malheur sans fond, une détresse du diable, et qui alors discute pied à pied avec trois amis férus de théologie. Et il affirme et montre que Dieu est injuste dans ses sanctions. Finalement Dieu interviendra, donnera raison à Job, et se tournera vers ses trois amis, je cite encore la Bible : « Je suis en colère contre vous trois, parce que vous n'avez pas parlé de moi correctement », mais « avec folie ». Et il invite Job à discuter avec Lui !

Magnifique, non ?

Une question quand-même : à quoi bon réfléchir sur Dieu, la foi, la Bible : ne suffit-il pas de croire ce que les Eglises ont toujours enseigné ; ne risquons-nous pas d'ébranler et de détruire la foi, la nôtre et celle des gens simples, de remettre en question la sérénité et la paix intérieures que procure la foi ?

Répondons par un autre exemple, sensible, qui fait partie du dogme de toutes les Eglises :

la résurrection de Jésus.

S'agit-il d'une résurrection physique, corporelle, comme le suggèrent certains textes du Nouveau Testament ? Pourquoi pas ! On peut, mais on a un peu de mal, à y croire. Et finalement cela ne nous concernerait pas trop : cela n'a duré que quarante jours, et quant à nous, nous nous doutons bien que nous n'avons guère de chances de ressusciter corporellement, ‘corruptiblement’ écrirait l'apôtre Paul…

S'agit-il alors d'une résurrection spirituelle, comme le suggèrent d'autres textes du Nouveau Testament ? Pourquoi pas ! Que Jésus soit ressuscité en Dieu, certainement : si Dieu était en Lui, ils se sont certainement réunis. A-t-il aussi ressuscité dans ses paroles ? Ou dans le cœur de ses croyants, ou dans l'assemblée de ses compagnons, ceux et celles qui ont cru en Lui ?

Cette résurrection-là, qui peut paraître un peu fade ou édulcorée, pourrait paradoxalement se révéler plus forte, et nous concerner davantage. Car nous pouvons nous-même accueillir sa présence, en nous et dans nos communautés, dans notre prière et dans la communion, le pain et le vin. Et peut-être même comprendre, parfois, que le Ressuscité vit et agit en nous, dans certains de nos actes, dans certaines de nos paroles, dans ce qu'Il change profondément en nous.

On a le droit de croire à une résurrection physique, corporelle. Mais on n'est pas obligé.

On a le droit de croire à une résurrection spirituelle et dans la communauté. Mais on n'est pas obligé.

On a le droit de ne pas y croire vraiment, mais d'accueillir malgré tout sa parole et ses promesses.

On a le droit, tout simplement, de poser la question, même dans une Eglise, et de réfléchir.

Et on a le droit de vivre tout cela ensemble, d'en parler, d'y réfléchir, d'échanger, et d'accepter nos divergences de compréhension. Et d'en discuter, comme Jésus au Temple de Jérusalem…

Savez-vous par quelle petite histoire les rabbins affirment cela, avec vigueur ?

Un jour, plusieurs rabbins discutent d'un point de la Thora, la Loi de Moïse. Et ils ne sont pas d'accord. D'un côté, le rabbin Ouzia, un très grand maître, tient pour une interprétation. Tous ses collègues la rejettent fermement.

Excédé, mais sûr de son interprétation, le rabbin Ouzia finit par s'exclamer : « Si j'ai raison, que les oiseaux cessent immédiatement de chanter ! ». Et aussitôt, ils cessent. Mais tous les autres rabbins : « Qu'est-ce que les oiseaux connaissent de la Loi ? Ils n'en savent rien ! ».

Alors rabbi Ouzia : « Eh, bien, si j'ai raison, que le torrent à côté de la maison change de sens ! ». Et le torrent change de sens. Mais les autres rabbins : « Le torrent n'est pas un juge de la Thora ! ».

Alors le rabbi Ouzia : « Que les murs de cette pièce disent si je n'ai pas raison ! ». Et les murs commencent à s'incliner vers l'intérieur… Mais les rabbins : « Murs ! De quel droit vous mêlez-vous de notre controverse ? ». Et les murs se redressent.

Alors, en désespoir de cause, rabbi Ouzia prie : « Seigneur, je n'ai plus que toi, dis-leur ! ». Et l'on entend un grondement venir du fond des Cieux, puis une voix proclamer : « C'est Ouzia qui a raison ! ». Mais les rabbins lui répondent : « Seigneur Tout Puissant, bénis soit ton Nom, mais souviens-toi, tu nous as confié la Thora, à nous ton peuple, au Sinaï. Elle n'est plus au Ciel, elle est ici, parmi nous, tu nous l'as confiée. Tu n'as plus à nous dire comment l’interpréter ! ».

D'après ces rabbins, loin d'être un danger, c'est un devoir de réfléchir et d’interpréter nous-mêmes la Bible, même au risque de se tromper.

Si Dieu nous a donné la capacité inouïe de comprendre l'invisible, de l'infiniment petit à l'univers infiniment grand, c'est aussi pour Le comprendre Lui, l'inventeur de cette ahurissante complexité. C'est aussi pour comprendre ce qu'Il nous dit, ce qu'Il nous veut et ce qu'Il nous promet dans la Bible ; pour correspondre et dialoguer avec Lui. Il nous a donné l'autorité pour le faire, l'autorité pour comprendre, interpréter et partager sa Parole.

Et c'est pour cela que notre Eglise, ici, de Pentemont-Luxembourg, à travers les quatre axes de sa réflexion pour son nouveau Projet de Vie, veut se donner trois mots d'ordre pour l'avenir :

« Partager – Croire - Réfléchir ».

N'est-ce pas notre responsabilité ?

Jean-paul Morley

Cultes du 7 février 2016

Lectures : Genèse 3 : 1-7

Luc 2 : 41-47

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26 janvier 2016 2 26 /01 /janvier /2016 18:12

Connaissez-vous Néhémie ? Et Esdras ? Et cette scène étonnante d'un peuple entier qui pleure en écoutant ses livres saints ?

Néhémie est gouverneur à Jérusalem, Esdras y est prêtre, et lettré. Quant au livre, on peut supposer qu’il s’agit du début de la Bible… Mais voilà qui nous plonge dans un passé brumeux, environ 450 ans avant le Christ, une époque confuse et assez mal connue.

Remontons encore : David était devenu roi vers 1000 avant notre ère, ses descendants avaient régné les uns sur le Royaume du Nord, la Samarie, jusqu'en -732, quand les Assyriens avaient vaincu ce Royaume. Les autres avaient continué de régner à Jérusalem, jusqu'en -587, cette funeste année où Jérusalem tombe sous le siège du fameux Nabuchodonosor, roi de Babylone, qui prend la ville, la détruit, profane le Temple et le pille, et exile toute l'élite du Royaume, là-bas, dans l'actuel Irak…

Mais 50 ans plus tard, renversement de l'histoire : cette fois, c'est Cyrus le Perse qui, à son tour, assiège et conquiert Babylone, le vainqueur d'hier…

Or les Perses, politiquement futés, à l'inverse des Babyloniens, laissent chaque peuple se gouverner lui-même, sous l'autorité de ses propres prêtres et d'un gouverneur nommé par l'Empire. C'est ainsi que les Juifs déportés à Babylone, 50 ans plus tôt, sont soudain autorisés à revenir au pays.

Bravo.

Mais cela ne se passe pas très bien. Entre temps, d'autres populations se sont installées en Judée-Israël, et mélangées au petit peuple qui y était resté. Et ils ont, tout naturellement, occupé les maisons, les champs, les villes, les fonctions, la vie sociale. Et chacun pense être seul légitime : ceux qui sont sur place, parce qu'ils habitent et travaillent le pays, la terre promise jadis à Moïse. Et ceux qui sont rentrés d'Exil, qui se sentent les plus légitimes parce qu'ils ont souffert et ont payé pour le péché de leurs pères…

D'où conflits, rivalités, oppositions, et difficultés à reconstruire un peuple, une ville, un pays, des murs, un nouveau Temple… et une foi commune.

Alors Esdras, le prêtre, et Néhémie, le gouverneur, convoquent tout le peuple sur la place de la ville. Et ils lisent à haute voix.

Et le peuple… pleure !

Que lisent-ils ? «Le Livre de la Loi de Moïse» nous dit le texte. La Bible donc, du moins ses cinq premiers livres, le Pentateuque, traditionnellement attribué à Moïse ? Oui.

On sait aujourd'hui que ces livres de la Loi ne remontent pas à Moïse, qu'ils ont même été écrits après le traumatisme de l'Exil à Babylone, à cause de l’Exil à Babylone, en partie là-bas, sur place à Babylone, en réaction à cette catastrophe de l'Exil. Et cette scène – qui n'a d'ailleurs jamais pu avoir lieu, puisque les historiens considèrent qu'Esdras et Néhémie ont vécu à une génération de distance – cette scène reproduit sans doute la première lecture officielle de la Thora ou Pentateuque, devant le peuple assemblé…

La première fois que le peuple découvre sa propre histoire telle que la raconte la Bible.

Et que dit ce texte ? Que si le peuple a ainsi souffert, de défaite, d'Exil et de misère, c'est de sa faute. C'est parce que lui et ses pères ont été infidèles à leur Dieu, au Dieu de la libération d'Egypte, jadis, et qu'ils ont été punis.

Et ils pleurent. Non parce qu'ils ont été punis. Mais parce qu'ils se repentent.

Et c'est pour cela, parce qu'ils se repentent, qu'Esdras et Néhémie les réconfortent, et les invitent au contraire à la joie, et même à la fête.

Se repentir. C'est à dire regretter. Reconnaître son erreur. Demander pardon. Et s'engager à changer. C'est positif !

Changer, donc. Oui, mais dans quelle direction ? Deux chemins se présentaient à l'époque devant le peuple et ses guides. Soit la pureté, soit la fraternité.

Ou bien la pureté :

pureté de la race juive, sans mélange ;

pureté de la religion juive, intransigeante ;

pureté de la culture juive, privilégiée.

Ou bien la fraternité :

l'accueil des étrangers ;

le respect de toute religion ;

une culture dialoguante et ouverte.

Curieusement, aujourd'hui, en Syrie, en Irak, en Israël à nouveau, c'est-à-dire dans les mêmes terres, c'est la même alternative qui s'impose.

Et certains y revendiquent la pureté :

pureté de la race arabe,

de la religion musulmane,

de la culture arabo-musulmane.

Et chez certains autres :

pureté de la race juive,

de la religion et de la culture juives.

Et soudain, avec Néhémie, nous sommes en pleine actualité, aujourd'hui même. Pas seulement en Syrie ou au Moyen Orient, où l'espoir d'un dialogue vient à nouveau de buter sur les intransigeances des uns et des autres, mais ici, en France, aujourd'hui.

Ici, en France, aujourd'hui, nous sommes, nous, devant la même alternative que Néhémie, Esdras et que le peuple juif il y a 2500 ans :

Ou bien la pureté :

pureté de la race blanche,

pureté de la religion chrétienne,

pureté de la culture française.

Ou bien la fraternité :

l'accueil des différences et des différents,

le respect de toutes les religions et de la vérité contenue en chacune,

le choix d'une culture qui s'enrichit de l'échange.

Qu'ont fait Esdras et Néhémie, vers 450 avant le Christ ? Le choix de la pureté :

Pureté religieuse, qui donnera naissance au judaïsme ;

pureté culturelle qui les presse de reconstruire les murailles de Jérusalem et d'en fermer les portes ;

pureté raciale, qui les conduit à briser les mariages mixtes et à chasser les femmes étrangères et leurs enfants.

C'est le premier judaïsme, cette pureté religieuse, et même cette religion de la pureté, qui conduira aux impasses légalistes et rituelles que dénoncera Jésus et auxquelles il se heurtera.

La pureté culturelle, qui motivera les révoltes juives qui se termineront par la chute de Massada et la destruction du nouveau Temple de Jérusalem, en 70 de notre ère.

Et la pureté raciale, qui avait conduit Esdras à interdire les mariages mixtes et à renvoyer hors de Jérusalem les enfants qui en étaient issus…

Un choix radical. Mais dont le projet historique, on le sait, a échoué. Si le choix de Néhémie et Esdras a probablement permis la survie du peuple juif et de son héritage spirituel, ils n'auront finalement pas réussi la restauration d’une nation juive, et auront sans doute préparé l'impasse religieuse et politique du temps de Jésus.

Jésus, qui, lui, nous a appris que l'amour de Dieu et l'amour du prochain – fut-il pêcheur, lépreux, Romain ou Samaritain – sont indissociables.

L'amour de Dieu, l'amour du prochain, indissociables.

En ces temps tellement troublés aujourd'hui, où le doute, la peur et la tentation du repli nous font, collectivement et personnellement, vaciller sur nos convictions les plus essentielles, espérons que l'échec de Néhémie, et que ce rappel du cœur du message du Christ, nous préservent de nous perdre. De spirituellement et collectivement nous perdre…

Amour de Dieu, amour du prochain : indissociables.

Que Dieu nous parle, nous garde et nous guide.

Jean-Paul Morley

Prédication à St-Sulpice et culte du 24 janvier à Luxembourg

Lectures : Néhémie 8 : entre 2 et 10

Matthieu 22 : 34-40

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13 janvier 2016 3 13 /01 /janvier /2016 19:31

Vous êtes-vous demandé auquel des dix commandements, ou plutôt des dix Paroles, vous obéissiez sans doute le moins, et qui est pourtant la plus importante… ?

L'avez-vous reconnue ?

C'est simple, je suis prêt à parier que :

- tous, vous pensez qu'il n'existe qu'un seul Dieu,

- qu'aucun de vous ne croit aux idoles,

- que pratiquement aucun ne jure par Dieu,

- qu'à peu près tous vous respectez vos parents,

- que probablement aucun d'entre vous n'a jamais tué personne, sauf peut-être en situation de guerre,

- que vous n’êtes probablement pas couramment adultères,

- que vous ne volez pas, en tout cas pas grossièrement,

- que, j'espère, vous évitez de porter de faux témoignage…

- vous convoitez, peut-être, oui, et cela, c'est un peu embêtant, cela vous fait du mal…

Mais au total, quand même, vous êtes très honorables : de belles personnes qui méritez confiance !

Pourtant, quelle est celle des dix Paroles que j'ai escamotée ?

Vous l'avez devinée : Qui, parmi vous, parmi nous, ne fait jamais aucun travail le jour du Seigneur ?

Le shabbat… Mais est-ce vraiment le plus important des commandements, comme je l'ai suggéré ? Ou le moins important ?

Souviens-toi du jour du shabbat, pour le sanctifier. Est-ce tellement important ?

Déjà, une curiosité : c'est le plus bref - quatre mots en hébreu – des commandants évoquant Dieu. Le quatrième et dernier à en parler, mais c'est celui qui est suivi du plus long commentaire de toutes les dix Paroles.

Pour quoi ? Six réponses si vous le voulez bien.

1 - « Souviens-toi du jour du Shabbat ». Et pourquoi donc ? Pour le sanctifier, c'est-à-dire le mettre à part. Pourquoi ?

D'abord pour faire une place, dans ta vie et dans la société, pour la foi, pour la transcendance ; offrir un temps, un arrêt, pour marquer collectivement que le monde n'est pas seul, ni l'humanité son propre absolu. Il existe une autre dimension.

C'est tellement vrai que cette injonction est la seule des dix Paroles qui n'est pas à la deuxième personne, « tu », mais à l'infinitif : on pourrait traduire par un indéfini, un collectif : « Qu'on se souvienne »

Comme si laisser une place pour autre chose, pour la transcendance, était une utile fonction sociale. Alors vive le dimanche férié !

2 - Souviens-toi du jour du Shabbat, pourquoi ?

Pour ta santé ! La tienne : repose-toi un peu. Ce qui n'est pas toujours si facile, les organisations humaines ni nos propres agitations ne le permettent pas toujours.

Tu en as pourtant besoin : prends soin de toi. Vive le dimanche férié !

3- Souviens-toi du jour du Shabbat, pourquoi ?

Pour le sanctifier, parce que c'est le seul commandement, la seule des dix Paroles, la seule !, qui parle de ta relation avec ton Dieu. Les trois premiers commandements parlent de ce qui n'est pas ton Dieu, de ces dieux qui n'en sont pas… Et les six qui suivent parlent de ta relation avec les autres, tes parents, et tes frères et sœurs les humains. Mais celui-là, discrètement, est le seul qui parle de ta relation avec ce Dieu qui t'a délivré – d'Egypte, c'est-à-dire de tous tes esclavages, tous ces esclavages qu'énumèrent les neuf autres Paroles : idoles, illusions, ou convoitises…

Le shabbat, c'est un arrêt, une pause, pour le Seigneur, ton Dieu, comme il est écrit.

Alors sanctifie-le. C'est pour cela que ce commandement-là, cette Parole-là est au centre de la foi et de la piété juives, parce que c'est la plus importante. Et c'est pour cela aussi qu'elle commande tout le reste des dix Paroles. Oui : c'est elle qui commande et justifie tout le reste du Décalogue :

Si tu respectes le Shabbat, si tu gardes le lien entre ton Dieu et toi,

alors tu n'auras pas d'autres dieux,

tu ne te feras pas d'idoles,

tu n'utiliseras pas le nom de Dieu à ton profit ;

si tu respectes et gardes ton lien avec Dieu, alors tu te souviendras d'où tu viens, tu respecteras tes parents,

tu ne tueras pas,

ni ne commettras d'adultère,

ni ne voleras,

ni ne mentiras pour nuire à autrui

et tu n'auras plus besoin de convoiter, cette source de tout ce qui précède...

Voilà pourquoi cette Parole est la plus développée, et pourquoi elle est à la charnière entre les Paroles concernant Dieu et celles concernant ton frère ou ta sœur. Voilà pourquoi c'est la plus importante. Alors, le Shabbat, sanctuarise-le !

Mais ce n'est pas tout :

4 – Souviens-toi du jour du Seigneur, pourquoi ?

Pour lâcher prise. Le commandement du Shabbat commence par te demander quoi ? De travailler ! «Pendant six jours, tu travailleras, et tu feras tout ton ouvrage ». Non seulement tu dois travailler, travailler pour toi, travailler pour participer à la vie, mais tu dois bien travailler, et finir ton ouvrage : Tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage !

Mais, quels que soient tes efforts et ton engagement, ton ouvrage ne sera jamais parfait, jamais vraiment achevé, jamais irréprochable. Alors laisse-moi le terminer, laisse-moi une place dans ton travail pour que je l'achève ; laisse une place pour l'Autre, ton prochain et moi, le Tout Autre, dans ta propre création. Que ce soit la création de toi-même, de ton œuvre, de ton histoire, de ton bonheur. Et moi, Dieu, j'y apporterai ma grâce, pour l'achever. Le shabbat, le septième jour, c'est ma part, la part de Dieu dans ce que tu fais…

Et pour cela, sache faire halte, t'arrêter – c'est aussi ce que t'offre le culte… – suspend ta course et ton effort. Arrête de courir, de parler, de téléphoner, de séduire, de t'activer… Ta création personnelle n'est pas plus grande que celle de Dieu, et Lui aussi s'est contenté de six jours pour créer l'univers, et puis le septième jour Il a suspendu son œuvre créatrice… Celle que nous sommes appelés à achever. Nous achevons son œuvre, et Lui achève la nôtre…

Tu peux donc, au jour du Shabbat, lâcher prise, comme la Loi de Moïse y encourageait les hébreux, en les incitant à ne pas faucher les coins de leurs champs, pour les laisser aux autres, aux pauvres, ou en laissant la terre en jachère chaque septième année.

La terre a besoin de se reconstituer, toi aussi.

La terre a besoin de Dieu pour produire la vie et la beauté, toi aussi.

Et ton employé, même s'il est immigré, et même ton bétail, en a aussi besoin… C'est écrit.

Alors fait la pause, et eux aussi, pour revenir à l'essentiel.

5 – Souviens-toi du jour du Seigneur, pourquoi ?

Par humilité. Ce n'est pas seulement ton travail qui se heurte à des limites. Ce n'est pas seulement ton travail qui soit insuffisant pour te justifier et te donner ta raison d'être. C'est aussi toi-même qui te heurte à tes limites, et ne te suffit pas.

Tu le sais, tu n'es pas tout. Alors arrête-toi, pour penser à accepter tes propres limites. Préserve une part de vide en toi, une part de non-toi, en toi et dans ta vie, une place pour l'universel.

Même si ce n'est pas si simple de reconnaître et d’accepter ses limites. On sait qu'il le faut. Mais on a du mal. Personnellement, je sais que j'ai du mal. On aimerait tellement être parfait, irréprochable, exemplaire, remarquable. On voudrait être fraternel, généreux, engagé, différent, joyeux, intelligent et instruit, organisé, actif, beau, fort, belle, admiré.e peut-être, et puis savoir être toujours aimant…

On sait évidemment qu'on n'y arrive pas. On accepte de ne pas être parfait. Mais on voudrait quand-même l'être un peu plus… Et il est vrai que nos efforts pour y parvenir ne sont pas vains : nous progressons au long de notre vie. Mais nos efforts sont un peu vains quand-même, car finalement nous progressons si peu, relativement à ce qu'il faudrait, à ce qu'on voudrait… A ce qu'on voudrait pouvoir donner autour de soi.

Nous le sentons, nous ne sommes pas tout à fait achevés, aboutis.

Alors c'est pour cela que le Shabbat nous propose de nous arrêter, de faire shabbat pour déposer tout cela, pour renoncer, pour accepter. Accepter, comme on le répète ici à chaque culte, j'allais dire chaque Shabbat, accepter d'être aimer, oui aimé, comme on est. Avec ses limites, ses failles, ses déceptions d'amour-propre, parfois ses gouffres.

Accepter, renoncer, déposer, et laisser la grâce, appeler la grâce, laisser une chance à la grâce, une place, un lieu, un moment, pour laisser le shabbat nous changer, pour que Dieu nous conduise à notre achèvement. Et vous voyez, les sens des mots grâce et shabbat commencent à se confondre ; on pourrait quasiment employer l'un à la place de l'autre… Oui, laisser faire la grâce, laisser faire le shabbat en nous. Comme le disait Simone Weill : en matière de bien, ne faire que ce qu'on ne peut pas ne pas faire : pas plus, ne rien forcer ; mais travailler et prier sans cesse pour élargir en soi ce qu'on ne peut pas ne pas faire de bien…

Et c'est ainsi que nous pourrons, comme Jésus dans la synagogue, sans nous en rendre compte, guérir la main paralysée et faire du bien, grâce au shabbat.

6 – C'est pour cela qu'une dernière fois se pose la question : « Souviens-toi du jour du shabbat, pour le sanctifier » Pourquoi ? Pourquoi le shabbat ?

Parce que Dieu en a besoin. Parce que Dieu aussi a besoin du shabbat, besoin de ce temps, besoin de cet arrêt, non pas pour se reposer, ni même être loué, presque au contraire : pour nous rencontrer, pour nous parler, Lui, à nous. Nous parler, nous réchauffer, nous changer.

Il a besoin d'un temps, d'un lieu pour nous rencontrer et nous parler. Et nous parler ensemble. Parce que Dieu a besoin de nous parler, pour pouvoir nous aimer. Un temps, un lieu, pour nous faire du bien, prendre soin de nous, nous décharger, nous pardonner, nous bénir, nous justifier, nous aimer.

Un temps, un lieu,

que ce soit le dimanche et une église pour un chrétien,

le samedi et une synagogue pour un israélite,

le vendredi et une mosquée pour un musulman,

une chambre, l'ombre d'un arbre, n'importe où, n'importe quand,

un petit moment préservé chaque nouveau jour,

mais un temps et un lieu pour nous bénir et nous changer imperceptiblement, nous faire devenir plus que ce que nous sommes, et nous permettre de donner, sans le savoir, beaucoup plus que ce que nous croyons pouvoir donner. Et nous permettre de devenir nous-même source de bénédiction.

Alors pourquoi le shabbat ? Parce que, comme le rappelle Jésus, le shabbat, loin d'être une règle, est fait pour l'être humain.

Pourquoi le shabbat ? Parce que ce jour-là, Dieu nous invite. Chez Lui. Alors, tu peux le mettre à part, ce jour-là.

Et vous savez quoi ? Le verbe sanctifier signifie parfois, en hébreu, « épouser »

Epouser le shabbat… C'est dire s'il s'agit d'une offre d'amour de la part de Dieu !

Cela ne se refuse pas.

Jean-paul Morley

Cultes du 10 janvier 2016

Lectures : Exode 20 : v.1-3 et 8-11

Marc 3 : v. 1-5

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24 décembre 2015 4 24 /12 /décembre /2015 13:10

Jésus étant né à Bethléem en Judée,

au temps du roi Hérode,

voici des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem et dirent :

« Où est le roi de Juifs qui vient de naître ?

Car nous avons vu son étoile en Orient

et nous sommes venus pour l'adorer."

Matthieu ch. 2 : v.1-2

Les fameux Rois-mages… Qui ne sont pas des Rois, mais des Savants, très savants. Ceux-là, en plus, étaient très riches ; ce n'est pas toujours le cas.

Combien étaient-ils, à venir saluer le nouveau-né de Noël ? On n'en sait rien, ce n'est pas écrit. Peut-être bien étaient-ils quatre, mais il n'y en a que trois d’arrivés à Bethléem.

Et je vais raconter, pour ceux qui ne connaissent pas son histoire, pourquoi le quatrième n'est pas arrivé !

Ces quatre mages avaient vu, ensemble, la nouvelle étoile, et avaient compris qu’elle annonçait la naissance d'un roi-sauveur.

Alors, comme elle leur montrait le chemin, ils sont partis, pour le voir et l'honorer. Mais attention ! Pas comme cela : une vraie expédition, avec tout un équipage. Des dromadaires, des serviteurs, des ânes, des tentes et des coussins pour les nuits, des provisions de luxe, de beaux habits, et de magnifiques et précieux cadeaux pour ce bébé futur roi et futur sauveur.

Et ils sont partis, les quatre, avec leur bel équipage, en suivant l'étoile. Tous les quatre étaient donc très sages et très savants. Mais le quatrième était le plus gentil.

En chemin, ils rencontrent un malheureux vieillard qui leur demande de l'aide. Les trois premiers mages lui répondent :

« Nous te comprenons, mais, vois-tu, nous allons honorer le grand roi-sauveur qui vient de naître ; nous devons suivre l'étoile, et toutes nos richesses sont les cadeaux que nous devons lui offrir… Nous ne pouvons donc rien te donner, excuse-nous. »

Mais le quatrième mage s'arrête, écoute plus longtemps le malheureux, et lui dit :

« Tiens, accepte cet âne avec ces provisions, et un peu d'or ; le bébé-roi-sauveur ne t'en voudra pas, de t'avoir donné un peu de son cadeau. »

Ensuite, le quatrième mage a dû se presser, avec tout son équipage, pour rattraper les trois autres, qui avaient continué de suivre l'étoile.

Un peu plus tard, les mages passent à côté d'un abri de fortune, comme on en voit dans les camps de réfugiés, à Calais et ailleurs. Et là, quelqu'un les interpelle :

« Messieurs, regardez, dans cet abri une femme est malade, elle a besoin de soins, mais elle n'a rien... »

De nouveau, les mages répondent :

« Nous comprenons bien, mais, vois-tu, nous allons honorer le grand roi-sauveur qui vient de naître ; nous devons suivre l'étoile, et toutes nos richesses sont les cadeaux que nous voulons lui offrir… Nous ne pouvons donc rien vous donner, excusez-nous. »

Mais le quatrième mage s'arrête, écoute, descend de son dromadaire, entre dans la cabane, parle avec la malade, et finalement lui dit :

« Tiens, accepte ce grand flacon de myrrhe, qui calme, soigne et désinfecte ; et aussi cette chaude couverture de velours, et quelques provisions… Le bébé-roi-sauveur ne t'en voudra pas. »

Du coup, le quatrième mage avait pris du retard, il lui fallu faire courir ses dromadaires et ses ânes pour rattraper les trois autres, qui avaient continué de suivre l'étoile.

Encore plus loin, les mages sont arrêtés par un jeune, chômeur, qui explique être venu d'un pays victime de la sécheresse, mais il ne trouve pas d'emploi, et demande à ces riches voyageurs un petit job… Cette fois encore, les trois premiers mages répondent :

« Nous comprenons ta situation, mais, vois-tu, nous allons honorer le grand roi-sauveur qui vient de naître, nous devons suivre l'étoile, et toutes nos richesses sont les cadeaux que nous devons lui offrir… Nous ne pouvons donc rien pour toi, excuse-nous. »

Mais le quatrième mage s'arrête, l'écoute, et lui dit :

« Tiens, on va te donner un de mes dromadaires, tout équipé, avec sa charge, et ainsi tu pourras créer ta petite entreprise de transport. Le bébé-roi-sauveur ne t'en voudra pas, de t'avoir donné un peu de son cadeau... »

Puis il repart, à nouveau il doit se dépêcher pour rejoindre les trois autres, qui ont continué de suivre l'étoile et sont déjà très loin, à l'horizon.

Quelques temps plus tard, les mages voient, assis au bord de la route, une femme et son enfant en pleurs, entourés de quelques paquets. Elle raconte que son mari les a laissés et qu'ils ont été expulsés parce qu'ils ne pouvaient plus payer le loyer. Alors les mages répondent :

« Nous comprenons votre malheur, mais, vois-tu, nous allons honorer le grand roi-sauveur qui vient de naître ; nous devons suivre l'étoile, et toutes nos richesses sont les cadeaux que nous devons lui offrir… Nous ne pouvons donc pas vous aider, excuse-nous. »

Mais le quatrième mage s'arrête, l'écoute, et lui dit :

« Viens, conduis-moi chez ton propriétaire, je lui achèterai votre logement, pour toi et ton enfant, avec une partie de mes cadeaux ; et j'y ajoute ce coffre d'encens pour parfumer votre logis… Le bébé-roi-sauveur ne t'en voudra pas. »

Cela a pris du temps, et cette fois, les trois mages sont loin, on ne les voit plus… L'étoile elle-même a disparu de l'horizon.

Alors le quatrième mage se dit ‘L'étoile a toujours montré l'ouest, continuons vers l'ouest, je finirai, moi aussi, par trouver le bébé-roi-sauveur ! »

Mais en route, le quatrième mage rencontre un couple qui se dispute, alors il s'arrête, leur dit ‘bonjour’ et leur demande un service :

« Pourriez-vous me montrer le chemin jusqu’à un puits ? »

En chemin, ils bavardent de tout et de rien, du temps, de la sécheresse, du climat, du Dieu qui nous protège et nous pardonne ; si bien que, d'avoir ainsi parlé et de l'avoir aidé, l'homme et la femme repartent heureux et réconciliés…

Une autre fois, c'est un enfant qui s'est perdu, tout seul, alors tout l'équipage du quatrième mage se détourne pour chercher et retrouver son chemin et le raccompagner jusque dans sa famille…

Ainsi, de rencontre en rencontre, de cadeau en cadeau, le temps passe, les jours passent, les années passent, et finalement le quatrième mage arrive enfin en Israël, à Jérusalem. Mais seul, à pieds, sans équipage, ses beaux habits tout usés, il a tout donné au fur et à mesure… Quant à l'étoile, elle a disparu depuis bien longtemps.

Mais cela ne fait rien : tout ce long voyage était pour voir l'enfant-sauveur... il le verrait !

Alors il interroge tout le monde à Jérusalem :

« Où est donc l'enfant-roi-sauveur ? Où est son palais ? » Mais personne ne comprend de quoi, ni de qui, il parle. Quel enfant-roi-sauveur ? Quel palais ? Personne ne sait. Rien, aucune trace, pas le moindre indice, pas le moindre souvenir.

Alors le quatrième mage sort de Jérusalem, va de village en village, de campagne en campagne, interrogeant chacun, chacune… Jusqu'à ce qu'un berger, aux abords du désert, lui dise :

« Ah, oui, je me souviens… Oh, c'était il y a longtemps ; dix ans peut-être. On y avait cru. Il faut dire : cela avait été quelque chose ! Des anges partout dans le ciel, la musique dans le ciel, une naissance étrange, dans une étable, vous imaginez ? Et un tout petit, si petit, mais si beau, des parents étonnants, tout ce monde autour ; j'y étais, avec les autres bergers ; et puis les mages, venus d'Orient, magnifiques avec leur cadeaux somptueux… ! A Bethléem, c'était.

Mais après, cela a tourné au drame, et même à l'horreur. C'est le roi Hérode – il est mort depuis – qui ne voulait pas d'autre roi que lui en Terre Sainte : il a fait égorger tous les enfants de moins de deux ans, vous vous rendez compte ?

Et l'enfant a disparu. Certains disent qu'ils ont pu s'enfuir en Égypte, puis qu'ils sont revenus. Allez savoir ! Toujours est-il qu'on n'a plus entendu parler d'eux, et que tout cela, c'est oublié maintenant... »

Mais le quatrième mage ne voulait pas renoncer. Il a enquêté. Longtemps. Partout. Témoin après témoin, indice après indice, souvenir après souvenir... Il est finalement arrivé à Nazareth. Et là, il a trouvé l'enfant, sa maison, ses parents. Jésus, son nom. Mais juste un enfant comme les autres, normal, banal, rien de spécial, rien d'un roi. Le fils d'un charpentier et d'une femme simple, pieuse, croyante, mais rien d'une reine…

Le quatrième mage a quand-même parlé avec l'enfant. Il a été surpris de sa sagesse, pour son âge. Mais aussi de sa très grande gentillesse. Alors le quatrième mage lui a raconté son long voyage, il a parlé de toutes ses rencontres, de son incroyable retard, de la dispersion de tous ses cadeaux, de sa longue quête, et qu'il n'avait plus rien à lui offrir…

« Oui, je sais, lui a dit l'enfant.

Tous les cadeaux que tu as donnés en chemin, depuis dix ans, c'est à moi que tu les as donnés. C'est aussi moi qui les ai reçus. Le vieillard, la femme malade, le jeune chômeur, la mère et son enfant, le couple fâché, l’enfant perdu, et tous les autres, c'était moi, aussi.

Et c'étaient de vrais cadeaux que tu faisais, qui venaient tout droit de ton cœur, car ce n'étaient pas comme des offrandes pour un roi, mais des dons sans espoir de retour, pour des malheureux que tu as sauvés…

Et je vais te dire : tout ce temps où tu m'as cherché, tu n'as fait que me rencontrer, moi ; j'étais là, à côté de toi, et c'est moi qui te recevais quand tu donnais. Tu m’as ainsi montré le chemin de la bonté. »

Alors oui, vous aussi, vous tous,

chaque fois que vous donnez de votre cœur,

c'est aussi à Jésus, l'enfant de Noël, que vous donnez.

Jean-paul Morley

Veillée de Noël 2015

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2 décembre 2015 3 02 /12 /décembre /2015 20:00

Hier, la terreur, le sang et l'effroi. Sidération.

Demain matin, début de la COP 21, Conférence mondiale pour le climat : les humains face au désastre qu'ils se préparent eux-mêmes. Angoisse, plus qu'espérance ?

On a en tout cas connu meilleur ‘climat’, en ce premier dimanche de l'Avent… Mais la Parole, a dit Jésus, est une épée à deux tranchants.

Alors lisons-la :

d'abord à son départ, à la Création du monde, quand le monde est confié aux humains, dans la Genèse : ch. 2, v 1 à 3 et 15.

Ensuite dans l'Evangile, le terrible avertissement de Jésus, chez Matthieu : ch. 24 : v 3 à 8 et 20 à 25.

Non, le climat dans les deux sens du mot, n'est pas bon. Mais tout bon prédicateur chrétien se doit de toujours finir sur l'espérance : Dieu nous aime, interviendra et nous sauvera ; sa grâce ne nous abandonnera pas, en tout cas pas nous, ses fidèles…

Eh bien, c'est faux. Les Hébreux en font le constat tout au long de la Bible, que ce soit à travers les prophètes ou les psaumes. Et quand il y a désaccord, c'est au prophète de malheur que Dieu donne généralement raison. Les exemples de non-salut jalonnent le Premier Testament : sans même évoquer le déluge, il suffit de rappeler la chute de Jérusalem, l'Exil à Babylone, la fin de la dynastie ‘perpétuelle’ de David, les destructions du Temple de Jérusalem, la diaspora… Quant au jour du Seigneur et à l'apocalypse, tant attendus par le peuple, ils ne sont jamais venus, même aux moments de plus grande détresse... Cet espoir d'intervention puissante et miraculeuse du Seigneur est, dans la Bible, surtout un cri de désespoir, un appel au secours, plus souvent qu'une réalité…

Promesse fausse encore dans l'histoire réelle : les grandes pestes du Moyen-âge, les invasions, les pogroms, la Shoah, le génocide des Arméniens ou celui du Rwanda, la Syrie, l'Irak, le 11 septembre ou le 13 novembre… Aucune prière n'a arrêté ces tragédies collectives.

Tous n'ont pas étés tués ? Un petit reste, au moins, a survécu ? C'est vrai, heureusement. Mais pour les autres, et pour tant de peuples, c'est terreur, désespérance et mort horrible : mort de ses enfants, mort de son conjoint, mort de ses parents, des frères, des sœurs, des amis, du pays…

Dieu sauve-t-il de l’horreur ? La réponse est non.

Les prophéties de Jésus lui-même, chez Matthieu comme chez Marc ou Luc, sont même pires que celles des anciens prophètes…

Et aujourd'hui, les nouvelles de la Terre sont un peu terrifiantes.

Nous pouvons changer le cours des choses. En particulier le climat, c'est l'objet de la Cop 21. Mais nous ne le faisons pas, ou pas assez.

Dieu va-t-Il alors intervenir ? Non. Empêchera-t-Il le naufrage de son humanité, ses enfants ? Non. Empêchera-t-il le désastre de sa planète préférée ? Non.

Pourquoi ? La réponse, toute simple, est là, dans la Bible, dès les premiers chapitres : Dieu nous a voulus libres et responsables. Libres. Et responsables. Il nous a chassés du paradis précisément pour que nous puissions vivre totalement cette responsabilité : la garde, le service et la responsabilité de la terre et de ceux qui l'habitent, nous-mêmes compris.

Relisons et précisons ce beau verset de la Genèse :

« Le Seigneur Dieu prit l'être humain et le plaça dans le jardin d'Eden, pour le cultiver et le garder ». (Genèse 2 : 15)

Le verbe traduit par ‘cultiver’, signifie d'abord ‘travailler’, et même, plus souvent encore, ‘servir’, être même ‘esclave de…’ L'être humain est donc institué serviteur de la Création, placé là pour la servir et la garder…

Nous en sommes réellement responsables et si nous en sommes vraiment responsables, alors nous en sommes seuls responsables !

Si nous agissons, nous pouvons nous sauver.

Si nous n'agissons pas, ou pas assez, Dieu ne nous sauvera pas.

Pas plus qu'Il n'a sauvé les Juifs sous Hitler – c'est nous, les humains, qui avons mis fin à sa folie.

Pas plus qu'Il ne sauve aujourd'hui les Syriens ou les réfugiés traversant la Méditerranée ;

pas plus qu'Il n'a sauvé les victimes du 13 novembre, malgré leurs prières.

C'est terrible, mais c’est de la théologie de base, au fondement des convictions protestantes : l'affirmation que, seule, la foi sauve, implique notre totale responsabilité. Face à nos proches, face à nos prochains, et face à nos lointains, la terre et l'humanité.

Que Dieu nous pardonne d’être si loin

de ce qu’Il attendait de sa création et de ses enfants…

Nous, l'humanité, nous sommes responsables de l'humanité et de la terre. Dieu nous les a confiés.

Or… Peut-être certains lecteurs du journal Le Monde ont remarqué, juste avant l'été, trois bonnes nouvelles qui ont éclaté en quelques jours dans ce journal, puis d'autres medias.

La première bonne nouvelle a été l'Encyclique : « Je te loue », du bon Pape François sur le climat. Superbe prise de position face à la nature « qui nous gouverne » dit-il, et contre laquelle nous nous sommes révoltés et que nous détruisons. Encyclique qui se termine bien entendu par un appel à la sobriété, à la modération, et à une nouvelle fraternité. Tous les media ont crié bravo à cet engagement fracassant de la plus grande force religieuse du monde.

La deuxième bonne nouvelle fut une étude du FMI, confirmée au même moment par une autre de l'OCDE – FMI, OCDE, pas particulièrement gauchistes d'habitude – deux études qui démontraient, oui démontraient, chiffres à l'appui, que l'enrichissement des riches appauvrit les pauvres, mais que l'enrichissement des pauvres enrichit toute la société… Bref, que les inégalités croissantes dans le monde et nos sociétés – inégalités, portées par les idéologies dominantes dans le monde – provoquaient ou favorisaient les drames écologiques et géopolitiques qui nous déstabilisent tous.

Le troisième bonne nouvelle est une étude encore plus surprenante et même renversante (Car entre nous, l'effet de l’inégalité sur l’économie, on l'enseignait déjà quand j'étais étudiant en Sciences Economiques, voici 50 ans…). Cette nouvelles étude, c'est que si toutes les frontières étaient abolies et laissaient tous les migrants circuler à volonté… il n'y aurait pas plus de migrants qu'aujourd'hui. Parce que les réfugiés partent de toute façon.

Mais que cela coûterait beaucoup moins cher. Et même améliorerait la situation géopolitique du monde et l'économie de la totalité des pays… !

Formidable !

Nous savons donc que faire, c'est là, à portée de nos mains, nous pouvons sauver la planète et l'humanité, nous en avons les moyens, nous les connaissons, et nous connaissons aussi la menace mortelle qui pèse sur nous si nous ne le faisons pas.

Alors sauvés quand-même ?

Pas sûr. Nous le savons tous. Vous, moi, tous.

Nous savons tous que rien n'assure que nous le ferons. Nous savons tous que nous ne sommes pas près d'ouvrir toutes nos frontières ; nous savons tous que la Cop 21 ne limitera probablement pas la hausse des températures à + 2°, alors que les experts et les politiques savent que 2°, c'est déjà trop ; nous savons tous que tant les individus, que les pays, que les grandes compagnies, auront du mal à renoncer au profit immédiat…

Et Dieu, qui voit cela, et les conséquences de cela, en souffre,

et en pleure sans doute.

Alors sommes-nous perdus, si ni nous, ni Dieu, ne sommes en mesure de nous sauver de nous-mêmes ?

Pas sûr non plus. Parce que si ni nous, ni Dieu ne sommes en mesure de nous sauver, peut-être, et même sûrement, pouvons-nous le faire… ensemble.

Nous et Dieu. Dieu avec nous. Ensemble.

Dieu avec nous, c'est même le nom de Celui qui naîtra bientôt, à Bethléem : Emmanuel. Dieu avec nous.

Que peut-Il faire, Dieu, s'Il n'agit pas sur le climat ?

Agir sur notre esprit. Le vôtre, le mien ; sur nos intelligences et notre regard. Il nous parle. Il est prêt à nous guider. Il est prêt à nous conseiller. Il est prêt à nous accompagner. A nous donner force, courage, décision, et espérance. C'est cela l'œuvre de l'Esprit Saint, et c'est aussi cela que disent les psaumes et les prophètes.

D'ailleurs, Dieu le fait déjà : nous sommes déjà avertis, conscients, guidés, encouragés, éclairés. Nous avons reçu l'appel du Pape, l'étude du FMI, celle sur économie et migrations. Et beaucoup d'entre nous ont évidemment déjà commencé de vivre plus sobrement, plus fraternellement, peut-être à militer.

Et Dieu, qui est déchiré de nous voir nous précipiter vers des chaos annoncés, fera tout pour nous éclairer et nous porter, si nous le Lui demandons. Si…

Bientôt Noël. Un nouveau-né, tout faible et désarmé ; mais une lumière dans la nuit, promesse d'espoir, d'inattendu, d'inespéré.

Oui, nous sommes totalement et seuls responsables de la planète, de notre avenir et de l'humanité. Mais Dieu nous tend la main, la main de ce nouveau-né, pour ensemble rendre fausses les prophéties de malheur, y compris les miennes.

Jean-paul Morley

Cultes du 29 novembre 2015

Lectures : Genèse 2 : 1-3, 15

Matthieu 24 : 3-8, 20-25

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13 novembre 2015 5 13 /11 /novembre /2015 12:22

Un jour des enfants sont amenés vers Jésus. Les disciples, compagnons de Jésus, veulent les écarter : trop jeunes ! Trop compliqué et trop sérieux pour eux ! Et puis ils font désordre !

« Mais, non ! » dit Jésus, « Laissez les enfants venir à moi !... »

Premier choc : à l'époque, les enfants sont juste des adultes à fabriquer, qu'il faut dresser pour en faire soit des hommes, soit des femmes et, en attendant, à tenir plutôt à distance.

Eh bien non, dit Jésus. Les enfants, non seulement ils existent, mais ce sont eux, oui : eux, qui montrent le chemin du Règne de Dieu. Justement par leur naïveté, leur confiance, leur spontanéité. Et joignant le geste à la parole, aussitôt Jésus les bénit.

Deuxième choc : ainsi, il faudrait ressembler à un enfant pour entrer dans le Royaume ? Le Royaume ne serait pas réservé aux gens graves, sérieux et pieux, adultes donc, et surtout irréprochables moralement, respectant bien les 613 commandants de la Bible ?

Eh bien non, dit Jésus : le Royaume de Dieu ne se mérite pas, ne se gagne pas, ne s'achète pas. Il se reçoit. Gratuitement et spontanément. Comme le font les enfants. Et Jésus ajoute : le Règne de Dieu, quiconque ne le reçoit pas comme un enfant n'y entrera pas…

Troisième choc : qu'est-ce que cela veut dire ? Il faut accueillir le Royaume pour pouvoir y entrer ? Il y aurait donc deux Royaumes, ou du moins deux dimensions du Royaume : celui qui s’accueille en soi, et celui dans lequel être accueilli et entrer ?

Eh bien oui, Jésus le dit :

le Règne de Dieu s'accueille, à l'intérieur de soi-même, avec la fraîcheur d'un enfant ;

et dans le Règne de Dieu, il est possible de pénétrer et d'y être accueilli, si l'on est comme un enfant.

Le Règne de Dieu a nécessairement ces deux dimensions : une personnelle, à l'intérieur de soi, et une collective, autour de soi, vécue avec les autres.

Mais pour vivre ce Royaume avec les autres – c'est-à-dire l'amour fraternel, la confiance, la justice, la bonté, la solidarité, la loyauté… – chacun a d'abord besoin de le vivre intérieurement – c’est-à-dire le pardon, la confiance, la disponibilité, l'unité intérieure… Le Règne de Dieu, qui n’est rien d’autre que le règne de Dieu en soi, en toi.

Et pourquoi accueillir d'abord le Royaume de Dieu avant d'y être accueilli ? Tout simplement parce que c'est seulement quand tu as reçu le Règne de Dieu en toi-même – l'amour de Dieu, son pardon – que tu peux à ton tour le donner à autrui, et en le donnant, le créer autour de toi.

Et donc… y entrer !

Voilà pourquoi, pour vous parents, et aussi marraines et parrains, cet accueil et cette bénédiction des enfants par Jésus met, et vous met, la barre peut-être beaucoup plus haut que prévu. Car baptiser vos enfants ne sert à rien si vous, parents, n'accueillez pas vous-mêmes ce Règne de Dieu en vous, pour le donner à votre tour, et en le donnant, le créer autour de vous. Et y entrer, avec vos enfants…

A vous donc de l'accueillir vous-mêmes ; sinon comment permettrez-vous à vos enfants de l'accueillir en eux et d'y entrer avec vous ?

Bien sûr : c'est beaucoup plus exigeant que simplement demander le baptême pour ses enfants, en laissant peut-être – peut-être – au Bon Dieu ou à l’Ecole du Dimanche la charge de s'occuper du reste : leur âme et la croissance de leur foi.

Plus exigeant, oui, sauf que… Sauf que c'est aussi la voie du bonheur.

Si vous accueillez le Règne de Dieu en vous, si vous laissez Dieu régner en vous, alors ce sera aussi pour vous la voie du bonheur.

Ce sera votre chemin, votre vérité et votre vie.

Le Règne de Dieu : à accueillir intérieurement et à vivre, pour l'inventer autour de soi et le partager avec vos enfants, et avec tous.

Jean-paul Morley

Culte du 1er novembre 2015 (baptêmes)

Lectures : Marc 10 : 13-26

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30 octobre 2015 5 30 /10 /octobre /2015 10:50

Mais que ce passe-t-il ?

Le président du premier constructeur automobile du monde, un allemand qui plus est, et qui sait ? peut-être un luthérien, organise ou couvre une immense fraude, aux dépens de onze millions ou plus de clients bernés, au mépris des 28 gouvernements de l'Europe, au mépris de ses propres compatriotes, et pire encore, en empoisonnant sciemment l'air que nous respirons tous, y compris vous et moi…

Mais où allons-nous ?

Et ce président, qui n'a pas jugé bon de démissionner immédiatement, a osé réclamer ses 28 millions de retraite-chapeau – 28 millions ! Un par gouvernement moqué.

Mais où allons-nous ?

Un homme politique français, et on va donner son nom, parce qu'il est salubre de donner les noms pour leur honte dans ces cas-là – et cela qu'ils soient de droite ou de gauche – un homme politique, Patrick Devedjan, a dit en souriant ceci : « Les Allemands, après nous avoir pris nos Juifs, nous envoient maintenant des arabes… »

Mais où allons-nous ?

Tout près d'ici, au métro Saint-Placide, mon épouse se fait faire des lunettes aux verres tout simples, des loupes à 30 € pièce. Pas de facture… Mais l'opticien déclare à la mutuelle le maximum qu'elle accepte de rembourser pour des verres progressifs : 190 € l'un. 320 € – 500 % ! – de volés comme cela, avec naturel, à la mutuelle, c'est à dire à nous tous.

Mais où allons-nous ?

Et même parmi nous… Certains, parmi nous, auraient fait des remarques à Joseph, comme quoi il n'aurait rien à faire dans ce temple pendant les cultes, et devrait rester à sa place : dans la cuisine…

Mais où allons-nous ?

Que nous arrive-t-il ?

N'êtes-vous pas, vous, effarés et effrayés par ce cynisme galopant, ce chacun pour soi, cette furie de l'intérêt personnel, ce droit à faire ou à dire n'importe quoi, qui semblent devoir bientôt gagner le monde entier ? Que nous arrive-t-il ?

Eh bien, vous savez quoi ? Ce qui manque à ce président de Volkswagen, ce qui manque à M. Devedjan, ce qui manque à cet opticien chez lequel mon épouse n'ira plus, ce qui manque parfois semble-t-il même parmi nous… C'est de croire. Exactement ce que prêchait Jean le Baptiseur, il y a 2000 ans…

C est de croire, c'est de sentir, c'est d'être profondément imprégné de la certitude qu'il existe des choses plus importantes que moi, plus importantes que mes intérêts, et même que les intérêts de ma société, ou même de mon pays, ou même de ma religion, plus importantes aussi que mes réactions ou mes préjugés viscéraux, plus importantes que la mode qui prétend ridiculiser le politiquement ou moralement correct, ou même ridiculiser la simple honnêteté personnelle…

Rappelons-nous, c'est précisément cela qui a manqué, et permis tous les totalitarismes d'hier et d'aujourd'hui, tous les intégrismes – c'est d'actualité – et c'est cela aussi qui manque pitoyablement à tous les fraudeurs, quels qu'ils soient… Exactement ce que disaient et redisaient tant de psaumes de la Bible…

Car le danger est bien là : dans la tentation de devenir soi-même un absolu, ou un absolu pour soi-même, sans Loi supérieure. Relisez le beau livre d'Esther, dans la Bible : il le décrit très bien à propos des Perses de l’époque…

Or, oui, nous avons besoin d'une Loi au dessus de nous. Pas d'une des lois humaines, qu'on peut toujours tenter de contourner, mais une Loi par-delà les lois humaines, une Loi à la fois transcendante et intériorisée. Des valeurs supérieures si vous voulez, un idéal si le mot ne vous fait pas sourire, mais simplement quelque chose de plus important que nous, que nos intérêts, nos inclinations ou même nos identités ; la certitude que nous, que le monde et que l'être humain méritent mieux que toute cette boue…

Mieux même qu'une loi, qui pourrait virer à l'intégrisme : une espérance. La certitude qu'une espérance est plus importante que nos arrangements, nos prétextes et nos lâchetés.

Et nous, ici, nous avons un autre mot pour cela, pour ce qui est plus qu'une utopie : la foi.

Ou le Royaume de Dieu.

Ou les Béatitudes – c'est pareil.

Ou le Christ acceptant la croix et désarmant le mal et la mort – c'est encore pareil.

Oui, nous sommes malades de manquer de foi.

Si nous sommes plus ou moins tous un peu faibles, un peu fragiles, vulnérables, tentés, incertains, c'est parce que nous manquons de foi, de cette foi-là. De cette certitude que quelque chose de plus beau, de plus juste, de plus vrai, est notre seule vérité, notre seule force et notre seul chemin.

Oui, une foi – quelle qu'elle soit, ce n'est pas une question d’appartenance à telle ou telle communauté – mais une foi qui soit plus importante que nous, plus importante qu'eux, tous ces irresponsables précités, une sorte de transcendance qui nous dépasse, qui les dépasse, et qui impose des limites. Des limites à nos intérêts ou nos ambitions, et qui, en même temps et surtout, offre plus que des directions pour vivre et se déterminer : des horizons.

Non pas un but qu'on pourrait atteindre ; mais bien un ou des horizons vers lesquels on peut se diriger, même si on ne les atteint jamais. Comme Moïse, qui a conduit le peuple 40 ans à travers le désert, mais qui n'est jamais entré lui-même dans la Terre promise…

Nous en avons tous besoin. Tous. Tous besoin d'horizons qui nous dépassent, qui nous gouvernent, et qui nous mettent en mouvement.

Le monde en a besoin. Plus que jamais, en tout cas autant que jamais, parce qu'il n'a sans doute jamais été autant dépourvu ou oublieux de ce qui est plus grand que lui, le dépasse et le transcende.

Alors…

Alors je m'arrête là, et je vous propose de continuer vous-même. De réfléchir à ce que vous croyez vraiment, à ce que vous considérez comme plus grand que vous, plus important que vous, à ce qui est essentiel pour vous, afin de rester vous-même et digne de vous-même. D'y réfléchir, et de l'écrire. Réfléchir à ce que sont ou seraient vos trois essentiels, les trois convictions qui vous déterminent, qui orientent, dirigent et construisent votre vie. Trois essentiels.

Vous pouvez même me les envoyer !

Jean-paul Morley

Cultes du 18 octobre 2015

Lectures : Luc 3 : 7-14

Psaume 10 : 1-6 et 11-14

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16 juillet 2015 4 16 /07 /juillet /2015 17:31

Au début de l’Evangile de Jean, Jésus discute avec la femme samaritaine du lieu où vénérer Dieu. Et Jésus répond que peu importe le lieu :

« L’heure vient, c’est maintenant, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ;

car tels sont les adorateurs que le Père cherche. Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent en, esprit et en vérité. » (Jean 4 : 23-24)

« Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité… »

Dieu est donc Esprit, c'est sa définition. Celle de Dieu.

Le Saint-Esprit tient pourtant une toute petite place dans le Credo, la Confession de Foi qui se récite souvent en église. Ce Credo qualifie Dieu de Père et de Créateur ; il insiste sur le Fils, Jésus-Christ, mort et ressuscité, et c'est même l'essentiel de ce Credo ; mais il n'a qu'une toute petite phrase un peu perdue pour dire :

« Je crois à l'Esprit-Saint. »

C'est tout, puis il passe à autre chose…

Alors que c'est la seule définition de Dieu que propose la Bible !

Curieux, non ? Il est vrai qu'il est toujours dangereux de parler de Dieu, puisque nous n'en savons rien ; et il est toujours risqué de parler de l'Esprit de Dieu, le Saint-Esprit dont nous ne savons pas non plus grand-chose, et qui, de toute façon, est insaisissable et nous fait toujours un peu peur…

Mais quand même : si nous devons adorer Dieu en Esprit et en vérité, peut-être devrions-nous nous interroger sur ce que cela signifie, et avec quelles conséquences ?

Alors essayons !

D'abord, qu'est-ce que ce mot : « Esprit » ?

En hébreu ‘Rouhach’ , comme en grec ‘pneuma’, c'est le mot ‘souffle’ ouvent’ qui signifie aussi Esprit. Comme en français d'ailleurs : un 'esprit' de vin est une vapeur de vin, et un 'pneumatique' un caoutchouc rempli d'air…

Alors l'Esprit de Dieu, c'est d'abord le souffle de Dieu, et le souffle, c'est la vie. L'Esprit de Dieu, c'est donc la vie de Dieu, sa force, son action. Et ce souffle peut être vent et même tempête, aussi fort qu'insaisissable.

C'est lui qui plane, dès l'origine, au dessus du chaos ; c'est lui qui donne vie au premier être humain, l'Adam, qui n'était jusque là qu'un corps animal.

Et ce souffle de Dieu, qui est aussi son esprit, présent dès l'origine, ne quittera plus la Bible ni Israël, ni l'humanité à travers leur histoire, et il sera en particulier toujours présent auprès des grandes figures de la Bible – à l'exception des Patriarches, qui, eux, parlaient directement à Dieu.

Impossible de citer toutes ces figures qu'il accompagne : Joseph, l'ancien et le nouveau, Moïse, Josué, Gédéon, Samson, Saül, à qui il est donné puis retiré, David, Salomon, Esaïe, Jérémie, Ezéchiel et tous les prophètes… Puis Jésus bien sûr, puis les apôtres, puis les croyants, puis... nous tous.

Le souffle de Dieu, l'Esprit de Dieu, qui nous prend, nous habite, nous change, nous éclaire et nous guide…

Comment ? Nous le verrons plus tard. D'abord : comment est-ce possible ?

D’après l’apôtre Paul, « c'est l'Esprit qui parle à notre esprit. » (Romains 8 : 14-16)

C'est l'Esprit de Dieu qui parle à notre esprit

Nous avons un corps qui agit, un cœur qui s'émeut, une intelligence qui réfléchit et se souvient... Mais cela n'épuise évidement pas ce que je suis : nous avons aussi une personnalité, un esprit, une âme, qui nous font nous et personne d'autre.

Sans notre esprit, que serions-nous ? Rien. Un simple corps de mammifère.

Sans son Esprit, que serait Dieu ? Rien. Même pas un corps !

Ainsi, le Saint-Esprit, l'Esprit de Dieu, c'est l'essence de Dieu, son être, c'est Dieu Lui-même.

Et cela signifie que notre esprit et l'Esprit de Dieu représentent la même fonction pour Lui comme pour nous, et c'est pour cela que l'Esprit de Dieu et le nôtre peuvent se rencontrer, comme l’écrit Paul aux Romains, parce qu'ils se correspondent. La création de l'être humain le suggère au début de la Genèse : « Dieu créa l'être humain à son image, à sa ressemblance il les créa, homme et femme Il les créa. » Et c'est son souffle qui leur donna le leur, qui leur donna la vie. C'est cette correspondance de souffle à souffle qui permet à l'Esprit de Dieu de parler à notre propre esprit, de témoigner de lui-même à notre esprit ; et qui nous permet, à nous, de lui parler d'esprit à esprit...

Voilà pourquoi nous pouvons prier, et nous pouvons l'écouter.

Et si nous allions plus loin ?

Si nous essayions de comprendre ce qu'est cet Esprit et donc ce qu'est Dieu Lui-même ?

Bien sûr, il ne faut pas. Bien sûr nous n'en savons rien. Bien sûr, c'est de la spéculation. Bien sûr on ne demande pas à Dieu qui Il est, au risque de se faire répondre, comme à Moïse, « Je suis celui qui suis » ou mieux : « Je suis celui que je serai »…

Mais Dieu nous a donné intelligence et intuition. Il nous a donné son Esprit justement, et ne nous a jamais interdit d'essayer de Le comprendre, à nos risques et périls.

Osons donc, mais n'osons qu'à partir de sa Parole, la Bible, et de ce que Lui-même dit de Lui-même quand Il est questionné. Cela ne se trouve guère que chez Job, quand Dieu répond enfin à sa plainte de justice, au chapitre 40.

Dans ce texte étonnant et magnifique, où Dieu répond à Job, mais le défie, il me semble déceler cinq caractères de Dieu :

1 – Dieu sait : Il n'a rien à apprendre de Job

2 – Dieu est susceptible, Il a un projet et Il le défend : « Veux-tu donc critiquer Dieu ? »

3 – Dieu agit et Il est puissant : « As-tu un bras comme celui de Dieu ? »

4 – Dieu juge : « Contesteras-tu mon jugement ? »

5 – Enfin, Dieu… parle, Il échange avec Job : « Je t'interrogerai... »

Pourtant, Dieu n'a pas de corps, ni de bouche, ni de bras, Dieu est incorporel : Il est Esprit.

Pourtant, ces quelques caractéristiques que Dieu dévoile en parlant à Job nous metteraient-elles sur la piste de ce qu'Il est en tant qu'Esprit ?

Nous pourrions alors tenter de définir Dieu, je dis bien définir Dieu, dire ce qu'Il est. En le définissant comme une conscience, une quintuple conscience :

Une conscience connaissante : Dieu sait. Une conscience et une connaissance absolues et pénétrantes de la totalité de l’univers, de la plus petite particule à l’extrémité de l’univers, et peut-être d’autres univers ; conscience de l’unité du cosmos, conscience aussi du temps. Comme si nous pouvions, nous, avoir conscience de chacune des cellules ou des atomes de notre corps et de son fonctionnement, comme nous l’avons de nos membres. Mais son corps à Lui serait l’univers.

Une conscience subjective : Dieu se défend devant Job, ce dont Il n’a pas besoin bien sûr, mais cela indique que cette conscience a conscience d’elle-même : ce n’est pas qu’une connaissance, mais une conscience sujet, qui se sait elle-même et qui se détermine, une sapiens sapiens, avec une volonté, un projet possible et une direction.

Une conscience opérante : Dieu agit avec puissance, Il est capable de concevoir un univers évolutif et ses lois, et capable de le concevoir de façon si intense que cela en provoque la réalisation : que la pensée de l’objet crée l’objet. Un peu comme quand l’amour ou la haine envers une personne provoque en retour la haine ou l’amour de la part de cette personne…

Une conscience morale ou finalisante : Dieu juge, c’est-à-dire qu’Il est capable de donner une finalité ou un but à l’univers. De l’orienter et de lui proposer une valeur. Et par conséquent de donner une finalité, c'est-à-dire un but et une valeur, non seulement à l’univers, mais à chaque vie et à chaque acte.

Capable à cette fin de les évaluer, puis, pour les orienter, de proposer des principes de comportement, qu’on peut appeler une morale. De telle sorte que ni les vies, ni les choses, ni les évènements, ni les choix ne soient jamais indifférents.

5° Enfin une conscience active : Dieu parle, Il est présent, capable de s’immiscer dans chaque conscience de l’univers, humaine, animale ou autre, pour leur proposer lumière, puissance de compréhension, d’évolution, de jugement et de projection ; capable de proposer un objectif et une envie pour inviter chacun vers le but que cette conscience propose à l’univers… Dieu à l’œuvre en chacun de nous pour nous inviter à participer au but qu’Il donne à cet univers : l’amour.

Dieu serait donc, autant que nous puissions le concevoir, vraiment Esprit : une conscience, dans ces cinq acceptions : connaissante, subjective, opérante, finalisante et active. Certes, le Dieu de la Bible apparaît comme plus personnel, plus anthropomorphique, plus passionné, plus arbitraire aussi.

Mais est-ce que cela s’accorde quand même à ce que la Bible en dit ? Alors, oui. Cela s’accorde à ce que dit la Bible quand elle affirme :

  • que Dieu est Esprit — conscience connaissante ;
  • que Dieu est amour, ce qui peut se comprendre aussi comme l’unité et le lien, la cohérence qui relie tous les composants de l’univers — conscience subjective ;
  • que Dieu est créateur — conscience opérante ;
  • que Dieu est juge — conscience morale ou finalisante ;
  • enfin que Dieu est Saint Esprit, qui pénètre, habite et invite chacun et l’univers entier — conscience active et invitante

Nous voici avec une compréhension de ce que peut être Dieu, un Dieu Esprit. Où l'on voit que la Trinité : le Dieu Créateur, le Dieu Parole capable de s'incarner, et le Dieu Esprit, ne font bien sûr qu'un.

C'est peut-être cela que nous pouvons croire, quand nous disons : « Je crois en l'Esprit Saint ».

Lectures : Genèse 1 : 1-2 et Genèse 2 : 7

Romains 8 : 14-16

Job : 40 : 1-2 et 7-9.

Mais il nous reste une question : « comment ce Dieu Esprit agit-il ?

Mais Pentecôte ?

L'Esprit de Dieu, son souffle qui descend comme un grand vent sur les compagnons de Jésus, les disciples qui, certes, ont vu Jésus ressuscité, mais qui depuis restent désemparés, repliés sur eux-mêmes et esseulés, ne sachant que faire ni que penser.

Cet Esprit-là est pour eux comme un feu qui va les changer, brûler en eux pour toute leur vie. Remplis soudain d'enthousiasme, au sens propre – ‘remplis de Dieu’ – et de courage, ils sortent à la rencontre de la foule…

A Pentecôte, le Saint-Esprit est en action, tout feu, tout flamme ; c’est même sa fonction : à côté de la parole de Dieu, vivante dans la Bible et incarnée en Christ, l'Esprit de Dieu, c'est précisément son action. Il est donc temps de la comprendre et de s'en émerveiller.

Depuis l’origine : c'est lui, l'Esprit de Dieu, qui donna le courage à Gédéon, jadis, face à Madian, ; qui s'empara du jeune roi Saül ; qui empêcha Balaam de prophétiser contre Israël ; qui envoya Esaïe prophétiser devant le roi et tout le peuple ; qui conduit Jésus au désert pour y être tenté ; qui, par un rêve, appelle Paul à évangéliser la Grèce ; qui à Pentecôte propulse les apôtres à se lever pour sortir de la maison et d'eux-mêmes, afin de proclamer la résurrection devant la foule, cosmopolite ce jour-là, de Jérusalem, et c'est lui qui les fortifie…

C'est lui, l'Esprit de Dieu, qui œuvre déjà en vous, et vous travaille de l'intérieur !

Souvenez-vous par exemple de ce jour où un mot anodin, un geste de votre part, à aidé à vivre quelqu'un, a peut-être changé le cours de sa vie – c'était lui, l'Esprit de Dieu, qui a parlé à travers vous.

Souvenez-vous d'une décision que vous avez prise dans l'incertitude, et qui s'est révélée être la bonne et porter beaucoup plus de fruit que vous n'en espériez – c'était lui, l'action de l'Esprit.

Souvenez-vous de ce proche pour lequel vous avez prié avec constance, et qui s'est redressé – c'était lui, l'action de l'Esprit.

Souvenez-vous de ce pardon que vous avez pu donner un jour, et que vous pensiez impossible – c'était l'action de l'Esprit, l'Esprit de Dieu.

Et souvenez-vous aussi de ces quelques fois où vous avez osé parler de l'Evangile et du Christ autour de vous, et que vos interlocuteurs en ont été touchés – c'était lui, encore, l'action de l'Esprit.

Et moi, je sais bien, que lorsqu'une de mes prédications vous atteint, c'est lui, et lui seul !

Voilà, c'est cela l'action du Saint-Esprit, l'Esprit de Dieu.

C'est lui qui fait le lien, qui est le lien, entre Dieu et nous, Dieu et notre Esprit, entre l'Esprit de Dieu et nos esprits.

Mais comment le fait-Il et comment cela se sent-il, car, enfin, aucun d'entre nous, je pense, n'a jamais senti un vent terrible et vu une flamme de feu se poser sur sa tête, tandis qu'il commençait à parler en grec ou en persan ?

Si c'est vraiment l'Esprit de Dieu qui nous parle, nous guide, nous éclaire, nous conduit, comment ?

Comment ? Parfois par des signaux extérieur, des coïncidences, des hasards positifs ou négatifs ; parfois par des anges, c'est à dire des personnes qui, soudain, nous disent la chose juste au bon moment. Mais le plus souvent, cela se passe à l'intérieur.

C'est l'autre voix intérieure, pas celle qui nous tente, nous dévie ou nous flatte, cette voix qu'on appelle le diable, pas non plus celle qui nous culpabilise… Mais celle qui nous murmure en silence, intérieurement, qui ne nous ment jamais et grâce à laquelle nous sommes soudain apaisés, calmes, sûrs, éclairés, en phase.

Celle que nous recevons particulièrement dans la prière, quand la prière ne se contente pas de dire merci ou de demander, mais qu'elle écoute, discute, reçoit, réfléchit devant Dieu, à la lumière de ce que nous avons compris de l'Evangile. Et quand nous voyons plus clair et comprenons ce que nous pouvons penser, donner ou faire.

Cette voix qui prie en nous quand nous prions juste, quand c'est Dieu qui prie en nous, quand c'est l'Esprit qui prie en nous.

C'est même lui, l'Esprit de Dieu, qui nous donne de croire, qui nous donne la foi. Nous le savons d’expérience, la foi ne se décide pas ni se commande ; elle est confiance, et la confiance ne se décrète pas. Si elle naît en toi, c'est que le Saint-Esprit te la donne.

Et il te donne en même temps sa propre présence, la présence de l'Esprit en toi, qui nous rend présents en lui. Une présence qui nous entoure, nous porte, jusqu'à habiter en nous, d'abord par instants fugitifs ; puis en faisant progressivement sa demeure en nous, fragile et précaire, mais toujours à l'affût de notre accueil intérieur, de notre disponibilité, prête à revenir dès que nous ré-ouvrons la fenêtre.

Cette présence qui nous donne la foi, qui nous donne de croire, qui nous donne d'espérer, qui nous donne d'aimer… Qui nous donne confiance.

Croyons vraiment, sachons, que quand nous espérons, quand nous aimons, quand nous croyons quand nous obéissons… c'est lui, l'Esprit, qui espère, aime, croit, obéit en nous… « Voici, dit Paul dans l'une de ses lettres, Voici le fruit de l'Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi. Et contre tout cela, il n'y a pas de loi » écrit-il.

Il ajoute, dans sa lettre aux chrétiens de Rome, que c'est l'Esprit lui-même qui prie en faveur des croyants « comme Dieu le désire ». Une étrange formule : les croyants, c'est nous, dès que nous croyons. Autrement dit, Dieu, par son Esprit, intercède pour nous auprès… de Dieu, donc de Lui-même. L'Esprit de Dieu opère ainsi comme une boucle, de Dieu à travers nous, puis de nous jusqu'à Dieu. Oui, c'est Dieu Lui-même qui prie en nous, de la part de Dieu, vers Dieu ; Dieu qui se prie Lui-même à travers nous. Mais pour nous.

Et c'est bien ainsi que cela se passe dans la prière : l'Esprit de Dieu parle en nous. Mais il fait plus encore : non seulement l'Esprit de Dieu assure le lien entre Dieu et nous, nous et Lui, mais c'est lui aussi qui assure le lien entre nous et ceux pour lesquels, si souvent, nous prions ou avons envie de prier.

C'est lui, l'Esprit, qui assure ce lien, ce pont, entre nous et ceux pour lesquels nous prions, qu'ils soient tout près de nous, à portée de voix, ou très loin de nous, à portée de prière.

Et c'est grâce à lui, par lui, que notre prière porte du fruit, et que ceux pour lesquels nous prions peuvent se sentir portés, soutenus, relevés.

Illusion ? Vantardise ? Autosuggestion ?

Une amies très proche nous avait raconté que son père élevait des lapins. Il les soignait avec tendresse. Mais de temps en temps, il en tuait un, pour le manger. Et, raconte-t-elle, chaque fois qu'un matin son père sortait de la maison pour se rendre au clapier chercher le lapin qu'il allait tuer, celui-là, celui qu'il avait choisi, celui-là seul, se mettait aussitôt à crier de détresse…

Alors, si nous sommes capables de transmettre nos pensées ou nos émotions à un lapin, si un lapin est capable de ressentir de loin nos sentiments, comment ceux que nous aimons et pour lesquels nous prions pourraient, consciemment ou inconsciemment, ne pas ressentir ce qui nous porte vers eux dans la prière ?

Si la prière est ainsi efficace – à condition de laisser Dieu la prier en nous, puisque, comme le dit Paul, « nous ne savons pas ce qu'il convient de demander dans nos prières » – si cette prière-là est efficace, c'est parce que l'Esprit de Dieu la crée en nous, la prononce, la porte jusqu'à Dieu et jusqu'à ceux pour lesquels nous prions. Et ceux-là nous le disent souvent : ils se savent, ils se sentent portés.

Une dernière question : pourquoi l'esprit de Dieu, pourquoi Dieu lui-même, n'est-il pas plus direct, plus perceptible, plus efficace, plus évident ?

Pourquoi nous semble-t-il si discret, si timide ?

Tout simplement par respect pour nous. Dieu a choisi de nous laisser libres et responsables sur terre, à nos risques et à ses risques et périls ; Il n'agit jamais par force, et s'est Lui-même condamné à n'agir auprès de nous que par l'invitation, la persuasion, la conviction. On pourrait même dire par la séduction, d'esprit à esprit, sans jamais rien forcer, imposer, ni contraindre, sans jamais menacer ni punir.

Comme Dieu, en réalité l'Esprit de Dieu, quand il dit à Caïn : « Le péché est tapi auprès de toi, mais toi, domine-le. ». Dès l'origine, Dieu ne nous contraint pas, mais nous invite, nous explique, nous conduit, nous convainc.

Nous appelle. C'est le rôle de l'Esprit.

Et si nous tombons, si nous faillissons, si nous le trahissons, Il nous protège encore, nous reçoit, et nous aime encore. Comme Caïn. C'est encore le rôle de l'Esprit.

Jean-Paul Morley

Cultes des 10 et 24 (Pentecôte) Mai 2015

Lectures : Actes 2 : 1-17 et 22-25

Psaume 119 : 65-68

Romains 8 : 26-27

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15 juillet 2015 3 15 /07 /juillet /2015 13:05

Pour le culte des confirmations des années précédentes, j'ai toujours pris un personnage de la Bible comme référence. Le plus souvent des femmes – la Samaritaine, Marie de Magdala, Marthe et Marie… – d'abord parce que ces personnages féminins, moins commentés, sont souvent superbes, et puis parce que, c'est ainsi, les filles étaient plus nombreuses parmi les catéchumènes.

Cette année, c'est l'inverse ! N'est-ce-pas Laetitia ? Seule face à cinq garçons, tu as été très courageuse…

Alors cette année, ce sera un homme : Jean le Baptiste, habituellement raccourci en ‘Jean-Baptiste’.

Lisons donc ce qui nous en est dit, au tout début de l’Évangile, avant que Jésus ne fasse quoi ce soit : Matthieu 3 : 1-17.

Drôle de bonhomme ce Jean le Baptiseur.

Baptiseur veut dire « plongeur » : pas dans l’océan, mais celui qui plonge les autres dans l'eau pour les purifier. En un mot, qui les baptise…

Oui, drôle de bonhomme : vivant dans le désert, vêtu de poils de chameau et d'une ceinture de cuir, se nourrissant de criquets et de miel, et engueulant les gens qui venaient pourtant à lui…

On se dit qu'à l'époque ce devait être possible… Mais non ! Les gens étaient civilisés : l'époque est celle du sommet de la puissance et de la gloire de Rome, pas celle des cavernes. Et ce gaillard étonnait alors autant que si vous ou moi venions aujourd'hui en poils de chameau et ceinture de gros cuir, avec un cornet de sauterelles au miel dans les mains ; et qui plus est, avec des menaces plein la bouche…

Cela nous fait sourire, mais à l'époque son charisme et son autorité étaient tels qu'on ne rigolait pas… Et lui ne rigolait pas non plus : « Race de vipères ! » jette-t-il à la figure des groupes de gens plus ou moins religieux qui ont quand même fait le déplacement au désert pour venir l'écouter… C'est que Jean-Baptiste, comme Jésus plus tard, ne supporte pas l'hypocrisie, surtout pas religieuse.

Sommes-nous des vipères ?

Sans doute, quand nous pratiquons la fraude fiscale,

quand nous vendons des produits « bidons » ou piratés, ou même nocifs,

quand nous grillons un feu rouge ou remontons un sens unique en scooter,

quand nous parlons avec colère ou mépris à notre conjoint ou notre copine,

quand nous ridiculisons un copain, un collègue ou un prof…

C'est cela que Jean le Baptiseur nous crie, et Jésus aussi, puisqu’en demandant son baptême à Jean, Jésus s'inscrit dans la tradition et la protestation que Jean-Baptiste représente. D'ailleurs Jean le dit lui-même: « Moi, je vous baptise d'eau, mais Celui qui vient après moi – Jésus en fait – vous baptisera, lui, d'Esprit Saint et de feu. Il a sa fourche à la main, il recueillera son blé, mais il brûlera la paille dans un feu perpétuel… ». Ouf !

Parce que, oui, Dieu est Dieu. Dieu peut exiger. Dieu attend beaucoup de nous, de vous. Simplement, de sa part, ce n'est pas un ordre, c'est une marque de confiance et un espoir. Un espoir en vous.

Mais ce baptême de Jésus par Jean le Baptiste, dit aussi autre chose. Leur petit débat, entre Jésus et Jean :

« Tu me baptises.

– Non, c'est toi !

– Non, c'est toi, c'est plus juste. ».

C'est compréhensible, mais surtout essentiel.

Ce que Jean comprend immédiatement, c'est la différence infinie entre lui et Jésus.

Lui, Jean, n'est qu'un messager, un porte-parole de Dieu. Il représente la foi, et il représente la Loi, celle de Dieu. Mais sa personne elle-même n'a pas beaucoup d'importance, et elle va d'ailleurs disparaître, assassinée.

En revanche il comprend que, en Jésus, celui qui se tient là devant lui, vivant et parlant, c'est Dieu Lui-même. Dieu qui est descendu sur terre dans cet homme-là. Et Jean, le premier, peut affirmer publiquement : « Oui, Jésus est le Christ, celui que j'attendais. »

Mais que s'est-il donc passé ce jour-là, à ce moment-là, ce moment précis, sous les yeux de Jean le Baptiseur ? Quelque chose de jamais vu, presque une déflagration : un homme se donne à Dieu, totalement, il met tout son être, toute son intelligence, son corps, sa vie, à la disposition de Dieu. D'autres étaient déjà venus voir Jean-Baptiste : ils voulaient juste un petit nettoyage de conscience. D'autres, des hommes, des femmes, déjà avant Jean-Baptiste, avaient déjà tout donné à Dieu. Et d'autres le feront encore par la suite.

Mais ce qui est unique ici, c'est que Dieu a choisi ce jour-là et cet homme-là pour demeurer en lui comme Il n'avait jamais demeuré en personne et comme Il n'y a plus jamais demeuré. Ce jour-là, devant les yeux de Jean-Baptiste, Dieu adopte Jésus, Dieu fait de lui son Fils, Dieu s'introduit et occupe entièrement toute la personne de Jésus.

Et c'est vraiment une déflagration dit la Bible, puisqu'elle décrit le Ciel qui se déchire, une voix de tonnerre qui proclame : « Celui-ci est mon Fils bien aimé », et une colombe, symbole de l'Esprit de Dieu, qui vient se poser sur Jésus…

De ce jour, cet homme, Jésus, dans tout son être, toute son intelligence, tout son corps, toute sa vie jusqu'à en mourir, sera le visage de Dieu sur terre.

Mais la condition à cela, c'est que Jésus ait fait le premier pas, qu'il soit allé à la rencontre de ce drôle de bonhomme, Jean le Baptiseur. Pour s'offrir à Dieu. Ensuite Il a pu parler, agir, guérir, prier, aimer jusqu'à en mourir et ressusciter, parce que Dieu était en lui.

Et la condition de cette condition, c'était que Jean le Baptiseur soit là, ait lui aussi tout donné, pour être ce représentant de la foi devant lequel Jésus est né comme Fils unique de Dieu.

  • Jean-Baptiste est celui qui a permis au Christ de naître en Jésus.
  • Jésus est celui qui a permis à Dieu de naître en tous ceux et celles qu'Il a touchés.
  • Et tous ceux et celles qu'Il a touchés de son vivant jusqu'à aujourd'hui sont ceux qui ont permis à Dieu, au Christ, à l'Esprit de Dieu, de naître en chacun de nous.

Et vous, si aujourd'hui vous entrez dans cette longue transmission, vous serez vous aussi de ceux qui permettent à Dieu, au Christ, à l'Esprit de Dieu, de naître chez d'autres, chez certains de ceux et celles que vous rencontrerez… Car vous l'avez compris : c'est à vous six que Jésus transmet cela. A vous six, par delà les 2000 ans qui vous séparent de Lui. Et vous l'avez compris : vous avez raison d'être là ce matin, même si vous n'êtes que six sur les vingt ou trente de votre âge dans notre fichier de paroisse... C'est vous qui avez raison, parce que l'étape décisive pour Jésus, cela a été de s'approcher de Jean le Baptiseur, comme d’un lien avec Dieu, son Créateur. Et de se confier à Dieu, de s'inscrire dans son exigence, d’accepter que Dieu nous demande beaucoup. Accepter qu'Il soit exigeant et attende beaucoup de nous, de vous six.

Ce n'est qu'ensuite que Jésus se tourne vers les autres, vers la vie, et offre tout aux autres, à la vie. Oui, c’est comme une Confirmation.

Alors pour nous, pour vous, il en est de même. Nous pouvons aussi, après nous être confiés en Lui, tout offrir, tout ce que nous avons reçu, tous nos dons, tous vos talents, pour que s'approche le Règne de Dieu.

Vous connaissez le mot de la fin de l'histoire de Jésus, le dernier mot des Évangiles ?

« Allez, faites de toutes les nations mes disciples ».

Et vous voici.

Longtemps après.

Porteurs d'une parole qui vous porte. Chercheurs d'une parole qui vous cherche[1].

C'est grâce à elle que vous serez le meilleur de vous-même, en donnant le meilleur de vous-même. C'est grâce à elle que vous ferez, de temps à autre, naître ou renaître le Christ autour de vous.

Alors non, vous ne serez pas une race de vipères. Et en plus vous serez heureux.

Continuez donc de faire confiance à Dieu, puisque Lui vous fait déjà confiance…

Jean-paul Morley

Culte des confirmations, 7 juin 2015

[1] Une jolie formule que j’emprunte à Marion Muller-Collard

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