Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 octobre 2014 4 23 /10 /octobre /2014 11:13

Qu’est-ce que bénir veut dire ? Cherchons à l'origine de l'humain : à la Création, au premier chapitre de la Bible, premier chapitre de la Genèse. Puis à cette bénédiction fabuleuse d'Abraham, à l'origine, cette fois, du peuple de Dieu, dont nous sommes les héritiers...

Genèse 1 : v. 24-31

Chacun s'en souvient : le premier jour de la Création, celui de la lumière séparée des ténèbres, se conclut déjà par la formule « Dieu vit que cela était bon ».

Et c'est une bénédiction : une ‘bonne parole’, une parole qui dit du bien de ou à quelqu'un. Qui souhaite du bien à quelqu'un.

Dès sa première parole, dès son premier acte, Dieu dit et souhaite du bien, Il bénit...

Et un petit peu plus loin dans la Genèse, le sixième jour, celui de la création de l'être humain, Dieu dit pour la seule fois que « cela est très bon ». Une super bénédiction. Et vraiment une super bénédiction pour les humains !

Pourquoi ?

  • D'abord parce que Dieu leur donne de dominer – et (cela ne se dit pas, mais) cela fait plaisir de pouvoir et même d'avoir le droit de dominer sur tout ce qui vit : poissons, oiseaux, animaux. Nous ne nous en sommes pas privés, d’ailleurs, non sans excès souvent…
  • Ensuite parce que Dieu a créé les humains à son image : il y a quelque chose de Dieu en eux, en nous ; les humains sont institués en vis-à-vis de Dieu. Nous pouvons donc avoir commerce avec Lui – et cela, c’est intéressant, quand même ! Nous seuls. Et nous le faisons, non sans de terribles dérives en ces temps, hélas.
  • Et encore parce que Dieu nous a crées couples : homme et femme. Il nous donne ainsi d'aimer, Il nous donne d’être amoureux – et cela aussi, ce n'est pas mal ! Nous ne nous en privons pas non plus, même si parfois nous y mêlons de la désinvolture ou de la brutalité.
  • Et enfin, parce qu'Il nous donne toute la végétation pour nourriture – Il nous a créés d'abord végétariens, ce qui d’aucuns trouveront moins bien, mais nous nous sommes arrangés… Et nous ne nous sommes pas privés de manger, quitte à saccager ou à confisquer.

En bref : la nourriture, la domination, l'amour y compris la sexualité, et le dialogue avec Dieu.

Oui, super bénédiction !

Et super responsabilité puisqu'Il nous institue aussi les gardiens de tout cela : vis-à vis de la nature et la planète ; vis-à-vis des animaux, vivants, fragiles et sensibles ; vis-à-vis de nos conjoints et de nos amours ; vis-à-vis de la place laissée à Dieu sur terre... Responsabilité superbe, mais terrible.

Terrible, mais superbe.

Autrement dit, cette première bénédiction, dès le premier chapitre de la Bible, c'est celle qui fait de nous des êtres humains : dominants. Responsables. Et bénis.

Genèse 12 : v. 1-4

Cette première bénédiction, universelle, qui s'étend sur tous les humains – même les autres, vous savez : immigrés, terroristes, handicapés, Roms... – cette première bénédiction est complétée par une seconde, encore plus belle s'il est possible : celle qui cette fois-ci vise un individu, une personne singulière, peut-être chacun de nous. Celle à Abraham.

Trois éléments :

un pays,

une descendance,

une… bénédiction justement.

Cinq fois le terme « bénir » en deux versets ! Une bénédiction qui promet une bénédiction, une bénédiction qui rebondit, transforme le béni en bénissant, puis rebondit encore des bénis jusqu’aux nations entières...

Dieu promet à Abraham, et par ricochet à chacun de nous, à chaque croyant :

  • un territoire, c'est-à-dire un espace pour vivre, pour agir, pour pouvoir être libre ;
  • une descendance, c'est-à-dire une histoire, en amont et en aval, et une histoire à construire, en créant et en transmettant ; une histoire où inscrire sa responsabilité ;
  • enfin, devenir source de bénédiction : le meilleur qui se puisse rêver, le meilleur de ce que nous pouvons espérer pour nous-mêmes. Je ne me lasse pas d’entendre cette bénédiction-là : devenir source de bénédiction pour ceux qu'on aime, ceux qui nous entourent, ceux dont nous sommes responsables… Etre le plus riche ou le plus puissant du monde, à côté, ce n’est rien !

Et il me semble que tout cela, un espace pour vivre et agir, une histoire à créer et où s'inscrire, une bénédiction à démultiplier – est infiniment plus large, plus vrai, plus désirable que toutes les autres bénédictions possibles, y compris bibliques, qui n'en sont finalement que la déclinaison ou les compléments...

Et si l'on ajoute la première bénédiction – nourriture, domination, amour, dialogue divin, c'est-à-dire le personnel ;

à la seconde bénédiction – espace, histoire, être source de bénédiction, c'est-à-dire le collectif – alors, c'est juste une merveille qui nous est offerte. Offerte !

Offertes... à qui, au fait ?

Pas tout à fait aux mêmes l'une et l'autre.

L'une est pour tous : « Dieu vit que cela était très bon » : la première bénédiction, celle qui suit la création de l'être humain, couvre par définition tous les humains, elle les couvre avant même leur naissance, indépendamment de leur mérite, de leur vertu, de leur ethnie, de leur comportement ou de leur foi. Elle leur est offerte d'emblée, chacun la reçoit en naissant humain.

L'autre est moins large : « Va, quitte tout ce que tu as, tout ce que tu es : va vers toi-même et l'avenir que je te montrerai... ». La seconde bénédiction, celle à Abraham, demande une décision, une confiance, une mise en route.

Mais elle est offerte à tous les croyants, sans autre condition que leur confiance et leur foi, et elle s'épanouit en bénédiction pour autrui... C'est la bénédiction qu'offre la confiance en Dieu.

Une bénédiction qui nous donne l'émerveillement de l'avoir reçue. Et la responsabilité qu'elle se concrétise dans toutes ses dimensions pour tous les humains.

Elle nous met donc en mouvement, nous aussi, comme Abraham, pour agir là où nos frères et sœurs humains vivent en subissant la guerre, la détresse, la solitude, la maladie, l'égarement, le rejet, la violence, ou encore l'absence de Dieu, l'absence de foi...

Et la première chose à faire… c'est de les confier : de confier nos frères et sœurs humains, en particulier ceux qui souffrent, à Dieu, à la bénédiction de Dieu.

Ainsi nous-mêmes, pour que nous soyons source de bénédiction pour les uns comme pour les autres, afin que ces autres deviennent eux aussi sources de bénédiction autour d'eux :

confions-nous à Dieu,

confions-les à Dieu,

réapprenons ensemble le pardon en Christ,

l'amour de Dieu, notre Père à chacun,

la prière permanente,

et apprenons-leur à en vivre, par nos actes, par notre propre amour, par notre propre prière, et par ce que nous proposons de vivre ensemble, notamment à travers l'Eglise.

Quelle superbe responsabilité ! En avons-nous déjà eu beaucoup d'aussi belles ?

Et quelle superbe promesse, bien sûr trop belle pour nous, trop belle pour être vraie...

Alors : vraiment, que Dieu nous vienne en aide, qu'Il nous bénisse, nous garde, nous donne la bénédiction d'Adam et Eve, et celle d'Abraham ; et qu'Il bénisse notre Eglise et tous ceux qui nous entourent !

Jean-paul Morley

Cultes du 5 octobre 2014

Lectures : Genèse 1 : v. 24-31

Genèse 12 : v. 1-4a

Partager cet article
Repost0
26 septembre 2014 5 26 /09 /septembre /2014 17:52

Dès qu’ils ont compris que c’est Jésus lui-même qui est devant eux, quand il a rompu le pain, et parce qu’il a rompu le pain, comme à la Sainte Cène, les deux compagnons d’Emmaüs décident de repartir aussitôt vers Jérusalem, malgré la nuit, malgré la fatigue, malgré le chemin caillouteux et montant, pour dire à leurs compagnons : ‘Il est vivant !!’’

Et quand ils arrivent à Jérusalem, exténués mais heureux, ils apprennent que leurs compagnons aussi ont vu Jésus vivant. C’est donc vrai : il est vraiment vivant ! Et leur désespoir du matin est changé en un énorme espoir, la certitude que le monde va changer, que le monde peut vivre autrement, fraternellement.

Quelques temps plus tard, arrivera un deuxième choc : l’Esprit de Dieu viendra sur eux, comme un feu. Et ce sera plus fort qu’eux : il faudra qu’ils parlent, qu’ils disent à tout le monde que Dieu est vivant, que Dieu aime et qu’il pardonne, que Dieu aime et qu’il nous appelle à vivre droits, libres, et généreux. C’est ce jour-là qu’on appelle la Pentecôte, sept semaines exactement après la mort de Jésus.

Et à partir de ce jour, tous les compagnons de Jésus, les disciples, commencent à annoncer partout que Jésus le crucifié est vivant. Incroyable !? Pourtant, de plus en plus de gens le croient, et des guérisons se produisent parmi les malades...

Mais évidement, cela ne plaît pas beaucoup aux prêtres qui l’ont fait condamner à mort….Ils croyaient s’être enfin débarrassés de cet agitateur et trublion qui bousculait toutes les traditions, et voilà de nouveaux énergumènes qui font pire : ils annoncent quelque chose d'absurde : que le mort est de nouveau vivant !

Alors ils n’hésitent pas : il faut absolument étouffer tout cela dans l’œuf, sinon la mort de ce Jésus n’aura servi à rien, et ils perdront quand même leur belle autorité.

En vérité, c’est s’ils réussissent à l’étouffer dans l’œuf, que la mort de Jésus n’aura servi à rien…

A quelques jours de là, les apôtres - c’est le nom de ceux qui annoncent que Jésus est vivant - les apôtres enseignent au milieu du Temple à Jérusalem. Dès qu’il l’apprend, le Grand Prêtre fait envoyer ses soldats. Mais une foule entoure les apôtres, et les écoute avec une grande attention. Alors les soldats, prudemment pour ne pas provoquer la foule, leur demande de les suivre. Les apôtres obéissent. Et ils se retrouvent devant le Grand conseil, le tribunal religieux suprême des Juifs de l’époque.

C’est le Grand prêtre lui-même qui prend la parole : ‘’ Alors ? Est ce que nous ne vous avions pas déjà interdit de raconter des absurdités, qu’un mort est vivant, et d’enseigner le message de ce Jésus, qui n’était qu’un imposteur ? Et qu’avez-vous fait ? Le contraire ! Maintenant, toute la ville est bouleversée, et en plus vous nous rendez responsable de sa mort !’’

Alors Pierre, qui maintenant n’a plus peur, répond calmement :

‘’Jugez vous-même : que vaut-il mieux ? Obéir aux hommes ou obéir à Dieu. ?

Dieu a rendu la vie à cet homme que vous avez crucifié. Il en a fait le sauveur du monde. Nous en sommes témoins, et Dieu nous demande de le faire savoir dans le monde entier. Et vous voudriez que nous nous taisions ? Vous voudriez que nous vous obéissions à vous plutôt qu’à Dieu ? Avec cette formidable nouvelle que nous avons à partager ? Jugez vous-même, c’est impossible !’’

Les prêtres sont furieux. Ils voudraient les tuer sur place. Mais que faire ? S’ils condamnent ces hommes, c’est toute la foule qui va se révolter contre eux.

Alors ils les menacent encore une fois, leurs interdisent de nouveau de parler de Jésus, et les laissent repartir. Les apôtres ressortent tout joyeux… Et aussitôt, ils recommencent à parler à tous de Jésus, de Dieu, et de son amour. Parce que pour eux, il n'y a pas de doute, c’est Dieu qui les a délivrés du Grand Conseil, et il vaut donc bien mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, même quand ce sont des autorités respectées.

En fait, ils sont très courageux. C’est très difficile, d’obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, ou même à Dieu plutôt qu’à son intérêt à soi. Ce n’est pas seulement résister et tenir bon face à une autorité injuste, comme les chrétiens qui préféraient être jetés aux lions à Rome, plutôt que de renoncer à leur foi. Ou comme les hommes et les femmes qui ont résisté aux nazis pendant la guerre, ou aujourd'hui à d’autres dictatures, comme ce scheik, ce chef arabe dans le Sinaï, le seul à combattre les prises d’otages et à les délivrer. Ou comme les Églises qui interpellent le gouvernement quand une loi leur semble trop injuste…

Obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes c’est aussi résister à soi-même, ou à l’état d’esprit dominant, quand il nous pousse par exemple à être égoïste ou à tricher.

A votre avis :

Est-ce que c’est obéir à Dieu ou aux hommes quand on copie sur son voisin ?

Est-ce que c’est obéir à Dieu ou aux hommes de prendre l’ascenseur quand on est jeunes ?

Est-ce que c’est obéir à Dieu ou aux hommes, quand on triche un peu sur, je ne sais pas, sa déclaration de revenus par exemple, comme cela semble devenu une manie ?

Est-ce que c’est obéir à Dieu ou aux hommes, quand on dit du mal des autres : d'autres élèves, des collègues de travail ?

Est-ce que c’est obéir à Dieu ou aux hommes quand on laisse sans réagir un petit se faire frapper par des grands, ou un camarade se faire accuser à notre place, ou un collègue se faire harceler par son supérieur, ou une femme se faire embêter ou insulter ?

C’est tout les jours que nous devons choisir, souvent plusieurs fois par jour. Et ce qui est extraordinaire... c’est qu’en fait ce qui est difficile, c’est seulement de commencer, après ce n’est plus si difficile.

Vous voyez, enfants, tous les adultes qui sont ici ? Je ne les connais pas tous bien, mais je crois pouvoir vous dire que, tous, ils choisissent d’obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Peut-être parfois avec un peu, ou même beaucoup de difficultés, peut-être parfois avec un peu de confusion, mais en fait, tous ont décidé, pour leur vie, d’obéir à Dieu plutôt qu’à eux-mêmes... Sinon ils ne viendraient pas ici. Et surtout parce que, ici, ils reçoivent le courage de le faire, parce que ici, ils font confiance à Dieu, comme les apôtres ; ils savent que Dieu les appelle à vivre justes, ils croient en ce monde qui a besoin d’amour et de paix, et qui a besoin d'eux. Et ils savent que Dieu les a déjà aidés et accompagnés quand ils choisissaient d’obéir d’abord à Lui.

Alors nous pourrions prendre comme mot d'ordre pour cette année, de nous lâcher ! Nous avons tous envie, petits et grands, d’être justes, d’être bons, d’être fidèles, d’être utiles et d’être généreux, en un mot : d’aimer. On en a envie, spontanément, mais on a un peu peur d’être ridicules, ou de se faire avoir...

Et bien, nous pouvons quand même. Dieu nous permet. Et même, Il nous le donne. Nous pouvons nous laisser aller à être justes et à aimer, c’est permis ; nous pouvons nous lâcher à être bons, et sincères, et justes, et courageux ; nous ne serons pas perdants. Quelque fois peut-être nous n’en serons pas sûrs, et penserons même le contraire. Mais à terme c’est une certitude : nous ne serons pas perdants, et notre vie sera belle. Pas forcément la belle vie, mais une vie belle.

Et nous serons, comme cela se voit ici quand nous nous regardons les uns les autres, de beaux êtres humains ! C’est le cadeau de Dieu.

Maintenant, un mot aux adultes : pour leur dire qu'obéir à Dieu plutôt qu'aux humains, à Dieu plutôt qu'à l'état d'esprit ambiant, c'est vraiment urgent. Parce que le monde va mal. Franchement mal en ce moment, on ne sait pas où il va, et c'est sans doute en grande partie à cause de cette confusion des obéissances.

Le cynisme généralisé, le chacun pour soi, le ‘mes intérêts, mes envies et mes droits avant tout, et tant pis pour les autres, pour la planète, pour les victimes de mon intérêt’ ; le « c'est pas mon problème » à propos d'Ebola, de la fonte des banquises, de la spéculation sauvage ou de la défense des privilèges catégoriels... tout cela c'est obéir aux hommes, à l'ambiance générale, à soi-même, et pas à Dieu.

Voilà pourquoi obéir à Dieu plutôt qu'à l’humain, ce n'est pas théorique, c'est vital et urgent.

Pour notre paix intérieure. Et pour l'avenir de nos enfants.

Mais pour illustrer tout cela d’une note un peu plus gaie, je finirai par une petite histoire :

Un jour un homme descendait un chemin raide et pierreux, comme celui d’Emmaüs. Au détour du chemin, il voit monter en face de lui une petite fille avec son jeune frère sur le dos…

Au moment de la croiser, il lui dit :

« - Dis-moi, petite, tu portes là une charge bien lourde...

Et elle répond :

- Mais, Monsieur, ce n'est pas une charge, c'est mon frère ! »

Le monsieur, tout étonné, reste silencieux : elle avait raison !

Un frère ce n’est pas un fardeau. Aider quelqu’un d’autre, ou être honnête, cela peut parfois paraître lourd.

Mais en fait cela n’est pas un fardeau, c’est porter son frère, et cela, c’est une chance, un cadeau magnifique !

Alors obéissons à Dieu plutôt qu’aux hommes, toute cette année...

Cultes de rentrée enfants-parents, 14 septembre 2014

Lectures : Luc 24 : 13-14, 28-35

Actes 5 : 12-16, 27-32

Partager cet article
Repost0
23 septembre 2014 2 23 /09 /septembre /2014 10:17

Paul, dans une de ses lettres, la 2e aux Corinthiens, parle de sa propre faiblesse, sans doute ce jour-là le plus ouvertement. « Une écharde dans ma chair, dit-il, un ange de Satan qui me frappe… ».

On s’est bien sûr perdu en hypothèses pour essayer de deviner de quoi il s’agissait : maladie, défaut, orgueil peut-être… En vain, bien sûr, et tant mieux : cela n’a aucun intérêt.

Mais l’image de l’écharde ou de l’épine dans la chair, me paraît belle, et juste : une écharde, c’est tout petit, ce n’est pas grave, mais cela vous contrarie et cela vous diminue…

Or une épine, une écharde, nous savons bien que nous en avons tous au moins une, peut-être deux ou trois, dans notre vie. Quelque chose en nous qui nous contrarie, nous diminue, nous humilie peut-être, au moins à l’intérieur, nous fait sans doute honte et ne nous quitte pas mais nous suit plus ou moins tout au long de la vie. On aimerait s’en débarrasser, mais on n’y arrive pas. On aimerait que Dieu nous en débarrasse, on l’a souvent prié pour cela, mais Il ne le fait pas – ou alors parfois, après bien longtemps.

Une épine qui nous ramène et nous rappelle à nous-mêmes : la tête dans les étoiles, oui, mais les pieds dans la poussière, parfois dans la boue.

Et Paul le dit : plusieurs fois il a demandé au Seigneur de l’en débarrasser, avec toute la force de sa prière, à lui, Paul. Mais en vain. Le Seigneur le lui a fait comprendre : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. » Comme le Christ sur la croix. Et Paul a compris : « C’est afin que je ne sois pas trop orgueilleux…».

Alors : nous aussi, accueillons notre écharde.

Ne cessons pas d’essayer de la vaincre et de nous en débarrasser.

Mais sans en faire un défi à soi-même, ni à Dieu bien sûr, qu’on mettrait au pied du mur ; sans non plus culpabiliser face à ce qui est peut-être plus fort que nous, peut-être fait partie de nous.

Et puis en comprenant que cette écharde nous est utile : ne pas être trop orgueilleux, dit Paul, ne pas s’espérer parfait, ne pas s’espérer irréprochable. Déjà parce que nous serions odieux pour les autres. Et surtout parce que c’est précisément quand et parce que nous sommes faibles, faillibles, défaillants, que nous comprenons que nous avons absolument besoin de l’amour de Dieu. Et que Dieu peut, à travers nous, montrer son amour, montrer qu’Il aime quand même, montrer que justement malgré nos faiblesses, nous pouvons faire du bien, donner du bon, dire du bien ; donner et transmettre son amour à travers nous, qui sommes imparfaits, à d’autres qui sont tout aussi imparfaits.

Parce que, comme le Christ sur la croix, c’est dans la faiblesse que se révèle et s’accomplit la puissance d’amour du Dieu vivant : « Je mettrai volontiers ma fierté dans mes faiblesses, dit Paul, car c’est quand je suis faible, que je suis fort »…

Partager cet article
Repost0
28 août 2014 4 28 /08 /août /2014 17:44

Je me souviens, c'était dimanche, lendemain de shabbat, le premier jour de la semaine précédant la fête de Pâques...

J'allais sortir en courant retrouver la bande des enfants du village, mais Maman m'a crié : « Sarah ! Tu ne sors pas sans ton foulard ! » Maintenant que j'ai 12 ans, elle ne veut plus que je sorte sans foulard sur la tête. Alors vite, j'ai pris mon beau foulard, celui de fête, sans lui dire, et je suis sortie en courant.

Presque toute la bande était déjà là, les plus grands étaient déjà descendus jusqu'à la route ; on a attendu les plus petits, on les a pris par la main, et on est tous descendu, pour l'attendre.

Il y avait déjà beaucoup de monde, pas que des enfants, beaucoup d'adultes qui attendaient tout excités au bord du chemin.

Il allait venir et passer par là, pour entrer dans Jérusalem, tout le monde le disait. Moi, je ne l'avais encore jamais vu, mais tous ne parlaient que de lui : Jésus, de Nazareth, un orphelin, le fils d'un charpentier, mais on disait partout que c'était un prophète, un vrai, un grand, et même un très grand, et même, disaient certains, encore plus qu'un prophète !

Moi, je ne sais pas ce que c'est, plus qu'un prophète !

Mais j'aimerais déjà en voir un, une fois, pour voir comment c'est...

Celui-là, il paraît qu'il dit des choses tellement belles qu'on n'en a jamais entendues de pareilles, plus belles encore que les paroles de la Thora, la Bible. Mais si je répétais cela à la maison, Maman ne serait pas contente, et Papa me punirait. Il paraît même que ce prophète Jésus guérit les gens, rien qu'en leur parlant, ou en posant ses mains sur leurs yeux. Il paraît. Mon copain Samuel dit même qu'il a déjà ressuscité des morts, mais je ne le crois pas, il dit toujours n'importe quoi pour se rendre intéressant ; de toute façon, ce n'est pas possible.

Ça y est ! On entend des cris ! Il arrive. Ça chante alléluia ! Autour de moi, des gens courent arracher des branches de palmier pour les agiter. J'y vais aussi, avec Samuel, on arrache deux branches, on revient, je me faufile à travers la foule jusqu'au premier rang.

Une vraie foule ! On dirait un énorme troupeau qui remplit tout le chemin. Les gens crient « Alléluia ! Hosannah au Fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »

Le Fils de David ? Mais alors c'est notre futur roi ? Celui qui va nous délivrer des Romains ? L'envoyé de Dieu ? Celui qui va nous faire entrer dans un Royaume où il n'y aura plus de pauvres, plus de méchants, plus de disputes, plus de malades, plus de conflits avec nos cousins samaritains ? J'ai presque envie de pleurer, tellement je suis heureuse.

Ça y est, je le vois ! Il est monté sur un âne, comme les rois de jadis ; il avance lentement au milieu des cris de joie et des chants !

Mais moi, je trouve qu'il a l'air triste. Tous les gens l'acclament, le fêtent, chantent pour lui, et moi aussi je crie... mais lui a l'air d'être seul au milieu de la foule qui l'acclame, il a l'air presque gêné, presque résigné au milieu de la joie, il a l'air d'être tourné vers lui-même au milieu des chants d'espoir... Il sourit, répond, ses yeux sont pleins de tendresse, mais je trouve qu'ils sont aussi pleins de tristesse... Pourquoi ?

Tiens, Maman et Papa sont derrière moi... Comment m'ont-ils retrouvée ?

Jésus va passer devant nous, alors vite, j'enlève mon beau foulard, je l'attache à mon rameau, et je vais le déposer devant l'âne de Jésus. Je lui souris. Et Jésus me regarde aussi : lui, le grand prophète me regarde, moi, Sarah, la petite Sarah ! Un regard plein de douceur, de lumière, qui a l'air de voir jusqu'au fond de moi, un regard qui me rentre dans le cœur, un regard d'un amour comme je n'en ai jamais reçu, mais toujours avec cette étrange tristesse tout au fond des yeux...

Alors je pose ma main sur l'âne, et je marche quelques pas à côté de lui. Maman et Papa, je le vois, froncent les sourcils, mais me laissent faire... Jésus me sourit. A moi !

Mais il y a tellement de foule que je suis bousculée, les compagnons de Jésus essaient de le protéger, et je suis emportée malgré moi, loin de lui... mais son regard et son sourire restent comme une caresse en moi, et, je le sais, c'est pour toujours. Le prophète, le Fils du Dieu vivant m'aime, moi, Sarah, la petite fille.

Je n'ai pas pu le suivre jusqu'à Jérusalem. Maman m'a rattrapée et ramenée à la maison. Elle ne m'a rien dit pour la perte de mon beau foulard de fête. Elle ne m'a même plus obligée d’en porter un.

Il paraît qu'arrivé à Jérusalem et monté au Temple, Jésus a pris une grosse corde et a chassé tous les marchands et les changeurs d'argent. Je suis bien contente, c'était la honte tous ces gens qui faisaient de l'argent avec la foi des malheureux !

Mais j'ai entendu Papa dire qu'à cause de ça, ils vont le tuer. J'espère que ce n'est pas vrai !! C'est peut-être pour ça qu'il avait l'air triste, au milieu de toute cette joie, cette joie pour lui ? Peut-être qu'il le savait ? Peut-être qu'il savait que ces chants de louange étaient des chants de deuil ?

Je ne veux pas y penser. Parce que de cette façon, la lumière qu'il m'a laissée dans le cœur, elle brûle comme une bougie au fond de moi, et je sais qu'elle ne s'éteindra jamais.

Et Samuel m'a dit la même chose.

. . .

Oui, ce jour des Rameaux, jour d'enthousiasme et de joie collective est un jour de paradoxe et de malentendu, et Jésus le sait.

Il est acclamé comme le Fils de David, et il l'est ; comme le Messie, et il l'est ; comme un sauveur, et il l'est. Peut-être est-il lui-même étonné d'un tel accueil, et heureux. Mais en même temps, il y a maldonne, malentendu sur ce qu'est le Messie, et Jésus le sait. Le Messie offert par le Dieu d'Israël n'est pas un triomphateur, ni un libérateur national, ni un guérisseur universel, ni un vrai roi, c'est un serviteur, qui sera rejeté, maudit, devra souffrir et mourir, seul.

Jésus, au milieu des alléluias qui l'acclament, ne peut qu'être malheureux, et plus seul que jamais. Il ne le sera davantage que sur la croix, cinq jours plus tard... Et pourtant, il continue. Triste certainement : ceux qui l'acclament ce jour-là seront déçus, il le sait, car le règne de Dieu qu'il annonçait n'a pas été compris, et sera rejeté. Triste, oui, certainement, et effrayé sans doute, désespéré peut-être. Mais il continue, avance vers ce qui est vraiment son destin.

Triste, oui, effrayé sans doute, mais non : pas désespéré. Parce que s'il continue d'avancer vers ce qui sera sa croix, c'est parce qu'il espère contre toute espérance, parce qu'il garde sa confiance en Son Père, parce qu'il sait, il a déjà compris que même s'il doit passer par l'abandon, la honte, la souffrance et la croix, même si Son Père ne le sauve pas de cet affreux destin, le Père reste avec lui et restera avec lui. Et de ce qui ressemble à un ultime et désespérant échec de Dieu, Dieu fera naître du bien, du bon, du sens, et préparera en secret la victoire de l'amour de Dieu sur le mal.

Il en est de même pour chacun de nous, pour moi, pour vous. Parfois, notre route ou notre vie est sombre. Parfois nous nous constatons seuls, incompris, sans vrai soutien, épuisés, dédaignés, douloureux, découragés de nous-mêmes et doutant de l'autre, sans forces, sans issue et sans avenir...

Alors que faisons-nous ? Que faîtes-vous, vous, de ces moments de nuit ? Nous continuons, n'est-ce pas ? Vous continuez. Vous continuez d'essayer d'aimer, vous continuez de tenir votre place et de marcher. Oui, comme Jésus cette semaine-là.

Et si nous continuons, si vous continuez, c'est parce que même si vous ne le sentez plus, Dieu vous donne sa force pour le faire. C'est lui, lui seul, qui vous en donne la force. Même si vous n'y croyez pas, le Père vous la donne.

Alors, même dans ces moments de solitude et de nuit, ne renoncez jamais à l'espérance, comme Jésus cette semaine-là. A la suite de Jésus, gardez les yeux au-delà, ne renoncez jamais à l'espérance, ne renoncez jamais à la confiance en Christ et en Dieu. Car le Père est déjà à côté de vous, en vous, et Il le restera. Il vous donnera la force de continuer quand-même.

Et ne l'oubliez jamais : de ces moments de solitude, de souffrance ou de nuit, Dieu fera naître du bien, du sens, car c'est aussi à travers ces moments-là que Dieu prépare activement, en vous et à travers vous, en secret, la victoire de l'amour sur le mal.

Dieu se révèle sur une croix. C'est là qu'Il est.

Quand nous marchons dans la solitude et la nuit, c'est là qu'Il nous tient la main, toujours, même quand nous pensons qu'Il nous a lâchés.

Grâce soit rendue à Dieu, dont l'amour, toujours et quoi qu'il arrive, nous tient dans sa main !

Cultes des Rameaux 13 avril 2013

Partager cet article
Repost0
26 août 2014 2 26 /08 /août /2014 17:40

Peut-on se perdre ? Serons-nous jugés ? Et peut-être condamnés ?

Jésus l’annonce à plusieurs reprises, et quelques-unes de ses paraboles le mettent en scène.

Alors, redisons-le : oui, bien sûr, on peut se perdre. Oui, on peut détruire sa vie, détruire ce que Dieu nous a offert pour notre vie, détruire nos amours, détruire nos chances, détruire notre monde et nos relations, détruire notre salut... Simplement par une vie inconsciente, par notre égoïsme, notre orgueil, notre malhonnêteté, ou notre passivité, notre mensonge, notre paresse spirituelle... Ou par cette petite voix pernicieuse au fond de nous, qui est le véritable diable.

Oui, on peut se perdre, plus encore, en détruisant la vie des autres, et en même temps la nôtre.

Et c'est tout cela l'enfer, l'enfer au milieu de nous, en nous, celui que nous créons : l'enfer sur terre. Oui, nous pouvons nous perdre, on peut se perdre soi-même, et c'est dramatique. Jésus le résume de façon parfaitement claire : « Celui qui veut sauver sa vie, la perdra », mais « qui donnera sa vie à cause de mon nom, la trouvera ».

Oui encore : une vie gâtée, perdue, loin de Dieu, impitoyable pour autrui, ne peut conduire qu'à une confrontation douloureuse au jour du jugement : confrontation avec Dieu, face-à-face ; confrontation avec soi-même, avec sa vie, avec ceux que notre vie aura croisés, et qui peut-être auront été nos victimes. Douloureuse parce que, d'une manière ou d'une autre, nous en supporterons les conséquences au delà.

Oui, on peut se perdre, mais oui, la foi en Jésus, le Christ, permet d'éviter de se perdre. Etre sauvé, dit la Bible.

Déjà une promesse, avec quelques versets d'Esaïe : « Il fera disparaître la mort pour toujours ; le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages et dans tout le pays et enlèvera la honte de son peuple. Il l'a dit, Lui, le Seigneur ! » (Esaïe 25 : 8)

« En effet les détresses du passé seront oubliées, oui, elles seront cachées à mes yeux. » (Esaïe 6 : 16)

« Désormais, on n'y entendra plus retentir ni pleurs, ni cris. (…) Il n'y aura plus là de nourrisson emporté en quelques jours, ni de vieillard qui n'accomplisse pas ses jours. » (Esaïe 65 : 19-20)

Et chez Jean, la promesse de vie éternelle :

« En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit en Celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle. Il ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie. En vérité, en vérité, je vous le dis, l'heure vient – et elle est déjà là – où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l'auront entendue vivront. Car comme le Père possède la vie en lui-même, ainsi a-t-Il donné au Fils de posséder la vie en lui-même ; il lui a donné le pouvoir d'exercer le jugement parce qu'il est le Fils de l'homme. Que tout ceci ne vous étonne plus ! L'heure vient où tous ceux qui gisent dans les tombeaux entendront sa voix, et ceux qui auront fait le bien en sortiront pour la résurrection qui mène à la vie ; ceux qui auront pratiqué le mal, la résurrection qui mène au jugement. » (Jean 5 : 24-29)

Et tout de suite une question : la vie éternelle concerne-t-elle bien l'au-delà ? Que l'au-delà ? Aussi l'ici-bas ?

Disons déjà, comme Paul, que si elle ne concernait pas l'au-delà, nous serions les plus malheureux des humains. Mais ajoutons que si elle ne concernait que l'au-delà, nous serions également les plus malheureux des humains.

Car la vie éternelle est à la fois une promesse et un don.

Promesse pour demain, don pour aujourd'hui.

Une promesse : la vie. La vie à toujours. Oui, la résurrection, la nôtre, la vôtre, la mienne, à notre mort, parce que si Jésus n'était pas ressuscité le premier il y a 2000 ans, le christianisme n'existerait pas. Et parce que si Jésus est ressuscité, alors nous aussi, tous, nous y sommes promis.

Et cette promesse-là est indispensable, indispensable pour nous sans doute, mais d'abord indispensable à la justice de Dieu. Pour qu'il y ait réparation.

Réparation pour tous ceux qui auront vécu trop peu, ou trop mal, ou toujours seuls, ou laids, ou souffrants, ou pas nés au bon endroit au bon moment, ou marqués dans leur corps, marqués dans leurs affections, ou dans leurs espoirs. Victimes du chacun-pour-soi, victimes de systèmes financiers ou de racisme, victimes de la violence ou simplement de leur propre bêtise ou maladresse, ou encore victimes de leur propre naïveté ou de leur générosité.

Pour tous ceux-là, il ne peut pas ne pas y avoir réparation, consolation : sinon la justice de Dieu-amour perdrait toute signification.

C'est vrai. Pour eux, pour vous, pour tous ceux qui sont aujourd'hui victimes de tant d'horreurs de par le monde – et aussi pour tous ceux qui donnent leur vie pour le bien de l'humanité.

Tous ceux-là sont promis à une réparation et une consolation, c'est-à -dire à la possibilité d'être enfin conformes à ce à quoi ils étaient appelés, en harmonie avec ce qu'ils auraient voulu ou dû être, en harmonie avec l'éternité, avec le bien, avec cette impalpable densité, cette infinie clarté et infinie douceur qu’est la proximité de Dieu.

Tous sont promis à ressentir enfin et vivre éternellement ce que représentent être aimé et pouvoir aimer.

Mais justice de Dieu aussi pour tous ceux qui ont eu le malheur de créer le malheur autour d'eux, que ce soit à leur petite échelle, à celle d'un pays ou à celle de l'humanité.

Il faut qu'eux aussi ressuscitent pour être confrontés à Dieu, face-à-face, confrontés à leur vie, à leurs dégâts. Pour un jugement qui sera de feu. Non pour qu'ils paient, mais pour qu’ils sachent. Qu'ils ressentent un instant, en eux-mêmes, dans leur chair, le mal qu'ils auront provoqué. C'est cela aussi, la réparation, l'indispensable réparation, l'indispensable justice.

Sans doute ne pourront-ils alors que se repentir, et peut-être qu'alors, comme le suggèrent quelques versets du Nouveau Testament, il n'est pas interdit d'espérer que le pardon de la Croix les atteigne finalement à leur tour, après ce jugement, après avoir su, après avoir ressenti.

Voilà la promesse : Justice. Et réparation.

Je la trouve belle.

Mais la vie éternelle n'est pas qu'une promesse pour demain. Elle a son autre dimension : un don, immédiat.

Et celui-ci ne peut se recevoir que dans la foi.

Car Jésus ne parle pas de la vie éternelle seulement au futur, mais aussi au présent : « Celui qui croit a la vie éternelle » dit-il.

Et nous, ici présents, qui avons entendu les paroles du Christ, nous sommes conviés à recevoir et à vivre ce don, tout de suite. Car nous avons reçu le privilège de comprendre que si la vie est éternelle... elle nous précède, et commence pour nous dès aujourd’hui !

Et cette vie-là, cette vie d'une autre nature, cette vie à un autre niveau, se concrétise par le don d'un nouveau regard, un triple regard : sur le monde, sur soi-même, sur l'humanité.

Un regard sur le monde, c'est-à-dire la création, un regard qui accepte cette création comme elle est, et l'aime, comme elle est, parce que c'est la création, et que ce sont ses lois. Qui admet donc l'injustice du monde, son inégalité, son aveuglement, sa cruauté, son apparente absurdité, et qui accepte tout cela parce c'est le prix de sa beauté, de sa diversité, de la vie, et de sa progression.

Comme la mort est le prix de la vie, comme le péché est le prix terrible de notre liberté... « Quand le lion mange la gazelle, c'est la justice de la création » disait Camus.

Donc un premier regard sur le monde, qui l'accueille, l'accepte, et l'aime, parce que c'est le monde, que ce sont ses lois, et que par conséquent, aussi inhumaines soient-elles, elles sont quelque part nécessaires, et justes.

Ensuite un regard sur soi-même. Qui s'accepte, de la même manière qu'il accepte le monde, et qui s'aime, parce qu'il est une créature déjà aimée de Dieu. Qui accepte donc toutes ses propres insuffisances, ses contradictions, ses petites lâchetés, l'écart désespérant mais irrémédiable entre ce qu'on voudrait et ce qu'on fait. Parce que le Christ, pour nous, après être descendu jusqu'à nous, a été écartelé sur la croix précisément de cet écart-là.

Mais regard sur soi-même qui, aussi, entend l'invitation à être ce que nous savons être juste, à ne jamais nous satisfaire de notre état présent, mais à toujours tendre vers le bien. Parce qu'en Christ l'humain a été invité à s'élever jusqu'à Dieu. Un regard sur soi-même, enfin, qui voit au quotidien tout ce que Dieu donne, à soi et autour de soi.

Donc un deuxième regard sur soi-même, qui s'accepte tel qu'il est, parce que pardonné ; tout en ne se satisfaisant jamais de son état présent, parce que invité à plus que lui-même.

Enfin un regard sur l'humanité. Et, cette fois, un regard qui n'accepte pas. Mais au contraire qui brûle, qui brûle de ce même amour, de ce même refus de l'hypocrisie, du mépris, de l'injustice ou de la violence, qu'a exprimé toute la vie et les paroles du Christ avant de le conduire à la croix. Un regard qui n'accepte pas l'inacceptable, et qui se bat au nom d'une autre justice que celle des lois de ce monde : celle du Royaume. Non plus la justice de ce qui est, mais la justice à venir, celle proposée dans la prédication du Christ, qui nous convie à en vivre.

Un troisième regard, donc, sur l'humanité, qui n'accepte pas son état de détresse et de souffrance actuel, mais donne envie de se donner pour ce que le Premier Testament appelle la justice et le droit, et le Nouveau Testament le Règne de Dieu.

Ainsi, tout à la fois :

Aimer le monde, et donc l'accepter.

S'accepter soi-même, mais ne jamais s'en satisfaire.

Aimer l'humanité, assez pour en combattre les blessures et lui offrir sans cesse l'Evangile du Christ.

L'ensemble paraît paradoxal, incompatible, impossible. Mais c'est ce que le Christ a vécu, et à quoi il nous invite.

Car aimer le monde, c'est reconnaître le Père, le Créateur.

S'accepter soi-même, c'est recevoir le pardon du Fils et son pressant appel au bien.

S'engager par amour pour l'humanité, c'est être habité par l'Esprit, qui nous enseigne la Cité de Dieu.

Et cela s'appelle la vie éternelle. La promesse pour demain et le don pour aujourd'hui.

C'est bien au-delà de nos vies, qui cherchent à tâtons leur chemin. C'est inatteignable. Mais cela se reçoit, cela ressemble à la foi, cela nous est donné, cela s'appelle la foi.

Si nous étions de confession orthodoxe, nous n'hésiterions pas à parler de vie divinisée. Et peut-être est-ce bien de cela qu'il s'agit.

Et cela nous est offert. Il suffit d'entrer, de faire confiance et de se donner.

Cultes du 25 mai 2013

Partager cet article
Repost0
21 août 2014 4 21 /08 /août /2014 19:20

L'Eglise est alors toute jeune, mais de plus en plus d'hommes et de femmes sont saisis par l'annonce de la mort vaincue, de l'amour vécu jusqu'au bout, d’un Dieu qui s'offre à qui L'accueille. Ils se convertissent et deviennent ceux qu'on appellera bientôt les « chrétiens ».

Leur vie change, et ils se font baptiser, parce que « la promesse est pour vous et vos enfants, et tous ceux que Dieu appellera... ».

« Vous et vos enfants... ».

Même si l'on n'est pas bien sûr que ce texte évoque le baptême d'enfants, c'est sur lui que l'Eglise se fonde pour les baptiser, quand les parents sont eux-mêmes croyants. Parce que ces parents souhaitent que leur enfant grandisse dans la confiance et l’orientation qui sont les leurs.

Mais se pose alors la question difficile de savoir comment élever ces enfants, pour lesquels on espère la proximité de Dieu, mais qui n'ont pas encore reçu eux-mêmes son appel.

C'est là que la question de la Loi vient croiser celle du baptême. Mais quelle Loi ? Celle de Moïse, les 10 commandements, les 10 Paroles ? Ou celle de Jésus, le commandement d’amour ? Or, dans la bouche de Jésus, ce commandement d'amour semble se mêler inextricablement avec les dix Paroles données à Moïse sur le Sinaï...

Commandement d'aimer d'un côté, prescriptions très concrètes de l'autre.

Peut-on faire de cette rencontre entre les dix commandements et le commandement d'amour un projet éducatif, et même un engagement ?

D'abord que disent-ils, ces dix commandements ? Ou plutôt ces dix Paroles, selon la tradition juive, car il ne s'agit pas d'ordres, mais d'enseignements.

Ils disent :

« Vous étiez esclaves en Egypte.

Comme, en fait, la plupart des humains, esclaves d'eux-mêmes, esclaves de leurs peurs, esclaves d'autrui. Je vous ai libérés d'Egypte. Vous êtes libres, vous pouvez être libres.

Mais vous ne savez pas comment faire. Et vous êtes tout prêts, tout proches de redevenir esclaves, si ce n'est de maîtres qu'on peut au moins détester, du moins de vous-mêmes, de vos faiblesses, de vos peurs, de vos rancœurs, de ceux qui sont plus forts.

Alors voilà, je vous donne le secret : pour être libres, vous avez besoin de bornes et de repères. Voici ceux qui sont comme une recette pour être libres ; voici les dix clefs pour rester libres.

Les quatre premiers concernent Dieu :

- tu n'en auras pas d'autre

- tu ne te feras pas d'idoles

- tu ne prendras pas mon nom en vain

- tu respecteras le jour du repos, mon jour.

Bref, tu n'auras pas d'autres Dieu que moi, c'est-à-dire : tu n'auras aucun dieu terrestre, que ce soit un homme, une femme, un gourou, un roi, un patron, un leader, un amant ou un ami ; et pas non plus une idéologie, une ethnie, une Eglise, un club de foot, une ambition, une passion... Rien de terrestre.

Tu n'inclineras la tête que vers le ciel. Tu seras libre, tu ne te soumettras à rien d'humain.

Autrement dit, respecter Dieu, c'est te respecter.

Cela, ce sont les quatre premières Paroles. Apprenez-les à vos enfants !

La Parole suivante – honore ton père et ta mère – n'est pas seulement un appel à obéir à sa Maman et son Papa, ni même un conseil avisé : si tu honores ton père et ta mère, ton enfant le verra, et lui aussi t'honorera.

Cette Parole inscrit chacun dans un héritage, une origine, une identité, celle d'un peuple constitué par sa confiance en Dieu, son compagnonnage réciproque avec le Dieu du Ciel, qui est aussi le Dieu des petits.

Ainsi respecter ses parents, c'est se respecter soi-même et son histoire. Apprenez-le aussi à vos enfants !

Enfin les cinq autres Paroles concernent le prochain : ni meurtre, ni adultère, ni vol, ni faux témoignage, ni convoitise de ce qui est au voisin.

Bref, tu agiras avec ton frère, ta sœur, comme tu voudrais qu'on agisse avec toi. Parce que ton frère, ta sœur, c'est toi ; parce qu'on ne peut vivre longtemps libre que lorsqu’on est fraternel, collectivement fraternel ; que lorsqu'on respecte mutuellement autrui. Parce qu'on n'est pas libre quand on entretient la peur, la haine, la méfiance ou la violence.

Autrement dit respecter autrui, c'est de nouveau te respecter toi-même. Alors apprenez aussi cela à vos enfants !

Le Décalogue, les dix Paroles, enseigne donc quelque chose de simple, qui est beaucoup plus que de la morale, et qui n'est surtout pas démodé. Quelque chose qui ressemble au fondement de toute éducation : te respecter toi-même pour vivre libre. Mais il le dit autrement, peut-être de la seule façon qui ait du sens et quelque chance de succès : c'est précisémenten respectant Dieu et autrui que tu te respectes toi-même, et seulement ainsi que tu es libre.

Le respect de soi, qui refuse toute soumission.

Le respect de soi comme libre, c'est le respect de Dieu comme créateur

Le respect d'autrui comme semblable, c'est le respect de soi comme semblable

Le respect d'autrui comme visage de Dieu, c'est le respect de soi comme visage de Dieu.

C'est cela le vrai shabbat.

Et voilà peut-être ce que des parents peuvent apporter de plus précieux à leurs enfants : être libres par le respect de soi, qui passe inévitablement par le respect de ce qui est plus grand que soi et par le respect des ses semblables.

Et c'est là que les dix Parole ont déjà rejoint le double commandement d'amour : on le comprend, aimer Dieu et son prochain résume tout le reste, les deux tables de la Loi.

Peut-être est-ce là le socle sur lequel bâtir toute éducation, aujourd'hui autant que jamais. Toute éducation et tout projet de vie à venir, qu'on soit ado, jeune adulte ou adulte tout court ; peut-être est-ce cela la maison que nous pouvons construire pour nos enfants.

C'est notre responsabilité à chacun, notre responsabilité de parents, celle que nous recevons en donnant le jour, et que nous confirmons en présentant un enfant au baptême.

En revanche, il ne s'agit, pour l'instant, pas encore de foi, seulement d'éducation et de projet de vie.

La foi, elle, va encore plus loin que l'éducation au respect de soi et d'autrui.

La foi, cette union à Dieu qu'évoque l’apôtre Jean, c'est l'irruption du Christ et de l'Esprit, qui bouscule tous les repères. Il ne s'agit plus simplement de vivre libre, mais de vivre plus intensément ! D'être habité par une foi, c'est-à-dire une confiance intérieure, une certitude, une passion, qui se traduit à la fois pour un compagnonnage quotidien avec Dieu, un dialogue intérieur avec le Père, et par une liberté qui a découvert une direction à sa vie et vit pour plus grand que soi-même.

A la fois paix et feu.

Une présence du Christ, qui est présence en Dieu. En Dieu !

Jean ose écrire, Jésus le promet :

« Le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez, parce que moi je vis, et que vous aussi, vous vivrez ! »

C'est l'Esprit de Dieu en nous. Que le monde ne connaît pas, mais que vous connaissez, parce que dans la foi, il demeure en nous, en vous. Quand nos pensées et notre volonté se confondent avec celles de Dieu, et deviennent la raison d’être de toute notre vie. C'est la promesse du Christ.

Mais cela ne s'enseigne pas, cela ne se démontre pas. Cela ne peut naître que de cette étrange rencontre et alchimie entre l'appel de Dieu à une personne particulière, et la réponse de cette personne particulière. Nous n'y pouvons rien pour nos enfants ni nos catéchumènes, et moi non plus. Ou peu.

Mais nous pouvons le préparer, en construisant une maison ou une Eglise pour nos enfants, sur la base de ces dix Paroles : le respect de soi et d'autrui pour être libres, afin de leur permettre de pousser droit.

En laissant simplement les fenêtres de cette maison ouvertes, et les vôtres aussi, pour que l'Esprit de Dieu, un jour, puisse entrer et emplir la maison, emplir la vie.

C'est bien pour cela, pour ouvrir cette fenêtre, pour préparer une place à l'Esprit, que nous sommes ici et que nous voulons le baptême de nos enfants.

Et nous connaîtrons, et ils connaîtront, ce que le monde ne connaît pas...

Jean-paul Morley

Cultes du 25 mai 2014

Lectures : Actes 2 : 37 – 41

Jean 14 : 15 - 21

Partager cet article
Repost0
20 août 2014 3 20 /08 /août /2014 17:31

Quand on émerge de plusieurs jours dans le désert, première envie : une douche. Premier choc : la profusion, de gens, de lumières, de biens, de voitures, d'air pollué, de technologie, de publicité...

C’est sans doute pour cela qu’on se sent si léger dans le désert, si libre, si frais dans la tête... Du moins quand on ne marche pas à midi au soleil !

Parce que le désert, c'est quand-même... désert. Rien.

Enfin, si : quelques plantes souvent faméliques, parfois plus sèches que vertes ; parfois un arbre inattendu ; parfois même de petites fleurs... Et puis des insectes, des scarabées, des fourmis, des oiseaux, des traces étranges, des lézards, des dromadaires, des chèvres... Comment ? Tout cela sans eau, sans nourriture, sans rien ? Eh oui ! Ils vivent... de rien. Alors que chez nous, les animaux bénéficient d'eau, d'herbe grasse, de fourrage en abondance.

Pourrions-nous, nous aussi, vivre avec beaucoup moins ? Comme on y est contraint dans le désert ?

C'est une première leçon qu'apporte le désert. Pour nous tous, qui participons à ce système où consommer et profiter de toutes les technologies est devenu naturel. Pourtant, pourquoi prendre l'ascenseur pour un ou deux étages ? Cela pose des questions aussi embarrassantes qu’intéressantes...

En marchant ce printemps une semaine dans le Wadi Rum, ce désert magnifique, nous nous sommes accompagnés d’Elie et des rencontres entre la Bible et le désert. Alors voici deux de ces textes, deux célèbres rencontres entre Dieu et nous :

  • Moïse face au buisson ardent (Exode 3 : 1-6),
  • et Elie dans sa grotte, quand Dieu passe devant lui (I Rois 19 : 1-13).

Moïse et le buisson de feu

Dieu qui donne donc rendez-vous dans le désert à ses serviteurs : Moïse, Elie, nous peut-être...

En fait, dans le désert, que ressent-on spirituellement ? Certains beaucoup. Et ne le cachent pas.

D'autres se contentent avec bonheur d'admirer des paysages incroyables – la création est belle.

Mais si Dieu ne se rencontre pas forcément en marchant au désert, des moments forts s’y produisent pourtant, entre marches silencieuses, accompagnements bibliques et vraies rencontres entre marcheurs.

Des moments qui permettent de comprendre que le Temple de Dieu est partout, qu'il n'a pas forcément de murs, que Dieu n'a pas besoin de lieux saints ou sacrés, parce que le Très Haut nous rencontre là où Il veut et quand Il veut, puisqu'Il nous rencontre à l'intérieur de nous-mêmes.

Dieu rencontre Moïse dans le désert : un non-lieu, que personne n'a pu situer ni sacraliser, puisque c'était en lui-même.

Dieu se montre à Elie devant une grotte, comme il s’en trouve des dizaines : une grotte que personne n'a pu situer ni sacraliser, puisque c'était en lui-même.

Nos lieux, que ce soit une église ou une halte à l'ombre d'un rocher, ne sont donc que des lieux de rencontre qui facilitent la prière, mais rien de plus. Si tu veux chercher Dieu, ne le cherche pas tant dans un temple, une église ou un lieu sacré, qu'en toi-même, dans tes propres déserts intérieurs. Ceux que tu te ménages toi-même, volontairement, pour Lui. Mais aussi ceux que tu subis, à contre-cœur, malgré toi. C'est là que Lui te cherche.

N'est-ce pas déjà ce que répondit Dieu à David, quand ce dernier voulait Lui bâtir un Temple ?

« Tu es gentil, mais outre que tu as un peu trop de sang sur les mains, tu sais, je n'ai pas besoin de Temple, je suis là où tu es.

Ne te souviens-tu pas que là où je me suis révélé, là où j'ai offert ma Loi, là où j'ai répondu à la détresse et aux supplications de mon peuple, c'était au désert, nulle part, loin de tout Temple ; là où j'étais itinérant, nomade avec mon peuple nomade ? »

D'où aussi la réponse de Jésus à la Samaritaine : « L'heure est venue où l’on n'adorera plus dans la ville sainte ou sur une montagne, mais en esprit et en vérité. »

Mais le Christ nous emmène encore plus loin...

Notre premier jour de marche était le dimanche de Pâques. Nous l'avons fêté dans le désert. Pas dans une église, mais dans un lieu magnifique : une grotte à la voûte extraordinaire, rouge et ocre, presqu'une église, et pourtant un non-lieu, au milieu de nulle part, mais qui nous offrait son ombre et sa beauté.

Une grotte comme celle d'Elie.

Et là, nous avons annoncé la résurrection et chanté « A toi la gloire ». Là nous avons partagé la Sainte Cène, et notre guide, chrétien melkite, s'est glissé dans notre cercle.

Là nous savions que Dieu nous rencontrait là où nous étions.

Et là, peut-être, nous avons mieux compris que Dieu nous rencontrait particulièrement ce jour-là, parce que Dieu ne se rencontre pas dans un temple ou un lieu sacré, mais sur une croix.

Elie et la grotte

N'est-ce pas ce que Dieu annonçait déjà à Elie, découragé et réfugié dans sa grotte ?

« Sors ! Sors de ta caverne, de tes ombres, de tes doutes et de ta peur, regarde et vois-moi. »

Dans ce vent violent, qui arrache les montagnes et brise les rochers ?

Non, cela ce n'est pas Dieu, ce n'est pas Lui qui brise les humains.

Dans ce terrible tremblement de terre, qui terrorise hommes, animaux et pierres ?

Non, cela, ce n'est pas Dieu, ce n'est pas Lui qui fait trembler la terre et déborder la mer.

Alors dans ce feu qui embrase la terre et aveugle les humains ?

Non, cela non plus, ce n'est pas Dieu, ce n'est pas Lui qui brûle les incrédules ni les hérétiques.

Que reste-t-il alors, pour voir Dieu, si ce n'est pas dans la puissance, ni dans la violence, ni dans les miracles ?

Pour Elie, il restera le silence, le quasi-silence d'un imperceptible souffle, le murmure ténu d'un esprit. Le silence, celui dans lequel on se retire pour prier et dans lequel on prie, celui dans lequel on reçoit les réponses du Père.

Et pour nous, chrétiens, la croix. C'est là que Dieu réside, là que Dieu habite la terre, non pas dans la puissance, mais dans la faiblesse et le don de soi ; c'est là, au pied de la croix, que Dieu se rencontre et qu'Il descend jusqu'à nous, qu'Il vient nous voir et nous prendre avec Lui.

Alors pour lui faire une place, creusons. Le désert, creusons-le en nous-mêmes. Aménageons-nous de petits déserts en nous-mêmes, à l'intérieur, régulièrement, pour écouter, pour recevoir, pour goûter, déjà, toutes ces petites résurrections quotidiennes – et parfois ces grandes – toutes ces lumières, en nous, qui s'allument ou se ré-allument.

Creusons, et certainement, ici ou ailleurs, en nous-mêmes et parfois à travers le visage d'autrui, nous entendrons, comme Elie, le murmure d'un souffle ténu, le murmure du Sauveur à notre oreille et à notre cœur...

Creusons, et, puisque Dieu s'est incarné, puisque le Christ est ressuscité, cherchons dans le visage de notre prochain, celui que j'aime et celui que je n'aime pas, proche ou inconnu, dans son regard ou ses mots, cherchons le reflet du visage du Christ.

C'est là, dorénavant, que se rencontre le visage de Dieu.

Partager cet article
Repost0
25 juillet 2014 5 25 /07 /juillet /2014 12:06

Y-a-t-il des guerres justes ? La violence est-elle toujours la pire des solutions, peut-elle parfois être justifiée ?

Pour la foi chrétienne, a priori, c'est simple :

« Tu ne tueras pas ». C'est dans les dix commandements, les dix Paroles.

« Si on te frappe sur la joue droite, tends la joue gauche » (Matthieu 5 : 36-39). C'est Jésus qui le dit.

« Tous ceux qui prendront l'épée périront par l'épée ». C'est encore Jésus qui le dit (Matthieu 26 : 52).

Oui, c'est simple.

Mais Paul, lui, dit au détour d'une phrase :

« Si tu fais le mal, crains, car ce n'est pas pour rien que l'autorité porte l'épée : elle est au service de Dieu » !

L'épée au service de Dieu... ?

Pourtant, « Tu ne tueras pas », l’injonction est simple et claire : tu ne tueras pas, voilà.

En même temps, ce n'est pas trop gênant, car nous sommes sans doute très peu à avoir tué, et guère plus à avoir été en situation de tuer.

En avoir eu envie... c’est autre chose. Comment ? Jamais ? Même pas un prof, un petit frère, une copine, un amoureux qui vous plaque pour un ou une autre ? Même pas un patron, un collègue, un subordonné, un petit chef ? Même pas un tyran, un terroriste ou un criminel en série ?

Finalement, l'injonction de la Bible n'est peut-être pas tout à fait inutile, et heureusement assez bien intégrée...

Mais il reste quand-même au moins quatre questions, quatre cas particuliers.

Jusqu'où va l'interdiction ? Est-elle plus large que la mort physique ?

Qu'en est-il de l'avortement ?

Qu'en est-il de l'euthanasie ?

Et qu'en est-il de la guerre, ou du face-à-face avec un assassin ou un terroriste sur le point d'agir ?

Nous n'évoquerons pas aujourd’hui les questions d'avortement ni d’euthanasie, nous rappelant que le protestantisme a choisi de ne pas ajouter de la culpabilité à la détresse, et qu'il tient profondément à la responsabilité et à la décision de chaque individu, en particulier quand il s'agit de lui-même.

Restent donc deux questions :

Jusqu'où s'étend l'interdiction de tuer ?

Qu'en est-il de la guerre et de la violence légale, celle de l'autorité civile ?

D'abord jusqu’où ?

« Tu ne tueras pas ». Est-ce un commandement, un ordre, ou bien un horizon ?

Les deux. C'est une prescription immédiate, parmi les dix Paroles transmises au peuple par Moïse depuis le Sinaï. La première de celles qui concernent autrui : Ne tue pas.

Mais c'est aussi un horizon, car la phrase, comme la plupart des dix Paroles, n'est pas à l'impératif, mais au futur. Tu ne tueras pas.

Autrement dit : organise toute ta vie et tout ton esprit pour que jamais tu ne te trouves en situation de tuer. Ni comme assassin bien sûr, mais pas non plus comme employeur négligeant la sécurité, ni comme chauffard mettant autrui en danger.

Parce que quand tu tues, même par accident, tu tues toujours ton frère ; et parce que quand tu tues une personne, tu tues toujours l'humanité.

C'est ce que montre la vieille histoire de Caïn et Abel, les deux frères, les deux premiers humains, nous dit la Bible, à être nés d'un père et d'une mère. Alors quand Caïn tue Abel, il tue son frère, et tue donc l'autre moitié de l'humanité. C'est le crime initial qui nous fait comprendre que toute vie volée est volée à son propre frère, à sa propre sœur ; c'est toute l'humanité qui est tuée.

Et si tu t'autorises à tuer autrui, tu autorises autrui à te tuer... Ne pas tuer, c’est respecter la vie humaine, et donc te respecter toi-même.

Alors ne tue pas, car tuer quelqu'un, c'est détruire un univers. Ne vole pas la vie, l'avenir, les amours futurs de quelqu'un. Ne retire pas du monde une personnalité forcément unique, un espoir, des affections qui sont irremplaçables. Respecte toute vie, même si elle te paraît nulle ou méprisable. Dieu, Lui, ne la méprise pas. Respecte sa différence : même une vie animale, tu peux la respecter, c'est toi-même que tu respecteras.

Mais jusqu'où va ce respect ?

A propos de l'adultère, Jésus déclare que quiconque regarde une femme et la désire est déjà adultère... Histoire de dire que nous sommes tous un peu adultères, foin d'hypocrisie !

Mais est-ce que cela veut dire aussi, est-ce que Jésus veut dire que quiconque regarde son prochain avec un léger désir de meurtre est déjà un assassin?

Sans doute. Parce qu’un autre jour, Jésus affirme aussi :

« Vous avez entendu qu'il a été dit ‘’Tu ne commettras pas de meurtre. Celui qui commet un meurtre devra passer en jugement’’. Mais moi je vous dis : quiconque se met en colère contre son frère devra passer en jugement, celui qui le traite de crétin ou de fou mérite l'enfer de feu... ». Terrible ! Mais juste...

C'est tuer que vouloir la disparition de quelqu'un ; c'est tuer qu'insulter, chercher à faire du mal, nuire, calomnier. C’est tuer que jeter dans la misère ou dans la honte ; c'est tuer que lancer des tweets antisémites, mensongers, vengeurs, ou qui ridiculisent, méprisent, révèlent un secret ou torpillent un collègue... Des tweets ‘assassins’, dit-on très justement.

J'exagère ? Combien de gens détruits, combien de suicides parce qu'on est ridiculisé par une photo compromettante ou un secret dévoilé ? Combien de meurtres parce que des imbéciles appellent à la haine contre les Juifs, les Arabes, les Noirs, les Roms ?

Quand on fait cela, on ne tue pas directement, mais on veut détruire. Et même si on ne tue pas, on détruit et on blesse.

Est-ce que le mouvement intérieur n'est pas le même quand on a envie de tuer, qu’on tue peut-être, ou simplement qu'on insulte, discrédite, invente des histoires, calomnie, amalgame ? Dans tous les cas, c'est une volonté de détruire...

Et c'est ce que dit Jésus de Nazareth. Le commandement biblique de ne pas tuer s'applique totalement à ces crimes de mots, des mots prononcés parfois tous les jours sans même y penser. La volonté de détruire est la même dans le plaisir qu'on y prend que dans celui de tuer un moustique... et parfois un être humain. Ce n’est qu’une question de degré.

Jean le dit dans sa première lettre : « Celui qui hait son frère est homicide, et aucun homicide n'a la vie pour toujours ».

Alors, vraiment, la Parole : « Tu ne tueras pas » s'adresse bien à nous, à chacun de nous tous, qui nous en croyons innocents... Respecte la vie et l'être de l'autre. Si tu ne les respectes pas, c'est toi-même que tu ne respectes pas.

*

Tu ne tueras pas. Même avec des mots. C'est notre horizon.

Oui, mais... C'est notre deuxième question : si on est policier, gendarme, soldat, casque bleu ? S'il s'agit de stopper le geste d'un terroriste ou d'un assassin ?

« Ce n'est pas pour rien, dit l'apôtre Paul, que l'autorité porte l'épée ». C'est pour prévenir, pour punir, et donc pour servir...

Et Paul insiste : ce n'est pas qu'une question de sagesse civique ; il précise : « L'autorité est un service de Dieu ». L'épée au service de Dieu? Et c'est à des Romains, de la capitale de l'Empire, ville de l'Empereur, qu'il écrit cela ! Que l'autorité légale serait au service de Dieu

On peut donc être chrétien, au service de Dieu, et être policier, gendarme, soldat, officier.

On peut donc être chrétien et être amené à tuer. En servant Dieu.

Non pas en imposant sa religion par le fer et l'acier, bien sûr, mais en acceptant une violence pour éviter une plus grande violence.

Et Paul, qui lui-même a eu deux fois la vie sauve grâce à l'intervention de la police, Paul peut affirmer cela avec sérénité : il s'appuie sur la Bible, la Loi, celle de Moïse, elle qui n'hésite pas à prescrire la peine de mort ou à s'armer pour défendre Israël.

Bien sûr, la croix du Christ, la mort de l'innocent absolu a condamné à jamais la peine de mort. Paul, le sait, il l'a compris.

Mais il a compris aussi que la violence pour empêcher une plus grande violence pourrait se justifier. Et l'on pense à la Lybie, la Côte d'Ivoire, la Syrie ou la Centrafrique, aux drones tuant à distance des chefs terroristes. Y a-t-il des guerres justes ?

Il apparaît aussitôt que ceux qui prennent ces décisions prennent des décisions terribles : entre le courageux impératif de la non-violence, toujours préférable, souvent plus efficace, toujours plus propre ou juste, et la douloureuse obligation de circonscrire ou d'empêcher la violence sur autrui, parfois au prix de sa propre violence. Avec cet impossible calcul des risques de dérapages ou d'engrenages... Décisions terribles, qu'on ne peut trancher d'une simple position de principe.

Parce qu’empêcher de tuer, c'est aussi ne pas tuer, et parfois, dans un basculement logique dramatique, « Tu ne tueras pas » se traduira par tuer celui qui s'apprêtait à tuer...

Mais ne nous y trompons pas : pour soi-même – Jésus l'a montré dans son corps – mieux vaut souffrir soi-même qu'exercer la violence.

« Remets ton épée à sa place ! s'exclame-t-il à l'adresse de Pierre, ceux qui prendront l'épée périront par l'épée. Penses-tu que je ne pourrais pas demander à mon Père d'envoyer douze légions d'anges ? »

Et Jésus, qui a reçu le baiser de Judas sur la joue droite, tend la joue gauche.

Mais lorsqu'il s'agit non de se préserver soi-même, mais de préserver d'autres, de préserver le minimum d'ordre et de justice permettant à une société de vivre sans basculer dans la violence, alors, oui, l'autorité est justifiée à porter l'épée, et, parfois, à s'en servir.

En 1943, le pasteur et théologien allemand, Dietrich Bonhœffer, longtemps apôtre et avocat de la non-violence absolue, a finalement, après de longs combats intérieurs, décidé de se joindre au premier attentat, raté, contre Hitler. Il s'est convaincu d'accepter de pêcher, de trahir la Parole « Tu ne tueras pas » et ses propres convictions, pour épargner d'autres vies, d'autres souffrances, d'autres violences. Il a été pendu par les nazis.

O Père, quand la violence nous tente

que le péché est tapi à notre porte comme il l'était à celle de Caïn

donne-nous de la dominer.

Quand la violence nous fait envie

creuse en nous une place pour le pardon et la paix.

Et quand la violence deviendrait nécessaire à la paix

Père donne-nous le discernement, donne-nous le courage

donne-nous la mesure,

et donne-nous le pardon.

Cultes 9 mars 2014

Lectures : Matthieu 26 : 47-56.

Romains 13 : 1-5

Partager cet article
Repost0
24 juillet 2014 4 24 /07 /juillet /2014 17:31

On connait Lazare, celui que Jésus a carrément ressuscité quelques jours avant d'être lui-même arrêté, jugé et exécuté… Il avait deux sœurs, très différentes, mais qui montrent toutes deux une foi exceptionnelle : Marthe et Marie.

Alors aujourd'hui, je propose une petite enquête :

- à laquelle ressemblez-vous, chacune et chacun ?

- à laquelle devons-nous ressembler ?

Le Nouveau Testament parle d'elles trois fois, une fois chez Luc, deux chez Jean.

Commençons par Luc, premier épisode (Luc 10 : 38-42)

Jésus ne les connaît pas encore. Mais elles ont sûrement déjà entendu parler de lui.

Il arrive dans leur village, « Béthanie », c'est-à-dire « maison de pauvreté » : un lieu où on a besoin.

Marthe invite Jésus à entrer, pour le repas, la nuit peut-être. Elle s'active pour tout préparer. Elle a une sœur, plus jeune sans doute, Marie, qui, elle, s'assied par terre devant Jésus et l'écoute.

Elle écoute parler qui ? Jésus, Fils de Dieu ; celui qui prononce les paroles même de Dieu...

Mais Marthe s'agace : c'est elle qui a invité Jésus, elle qui fait tout le boulot, et Marie, elle, ne fait rien mais profite de cet invité hors du commun. Marthe proteste.

Mais Jésus : « Marthe, Marthe, tu t'agites pour beaucoup de choses ; une seule est importante, et Marie a fait le bon choix... »

Ici, Jésus, et l'Evangéliste Luc, semble assez féministe... Au lieu de dire : ‘’Oui, Marthe, tu as raison, aux hommes de discuter des choses essentielles, aux femmes la cuisine...’’ Non, il dit : les femmes peuvent aussi bien que les hommes, aussi bien que mes douze disciples, entendre et recevoir les paroles du Dieu d'amour et ses exigences ; quant aux tâches matérielles… elles existent depuis toujours et seront toujours là : il sera toujours temps de s'en occuper, ensemble !

Autrement dit : l'action est indispensable, nous le savons tous. D'ailleurs, nous n'y échappons pas. Mais quel est le plus important : faire la cuisine ou prier et se mettre devant Dieu ? Aucune hésitation : c'est mettre toute sa vie entre les mains de Celui qui sait mieux que nous comment faire de notre vie beaucoup plus que ce que nous pouvons en faire tout seuls.

Quant à la cuisine... nous la ferons de toute façon, et la vaisselle aussi !

Alors vous non plus, chaque jour, toute votre vie, ne vous trompez pas de priorité : « Une seule chose est vraiment nécessaire, dit Jésus, elle a choisi la bonne part qui ne lui sera jamais ôtée. »

Premier épisode, première leçon : mettre du temps de côté pour prier.

Deuxième épisode, chez Jean (11 : 21-27)

Le frère de Marthe et Marie, Lazare, tombe malade et meurt.

Alors Jésus vient à Béthanie, leur village, le lieu où on a besoin...

Marthe, à nouveau la plus active, court à sa rencontre.

Et répond à Jésus par un « oui » magnifique ! Marthe est la première, dans l'Evangile de Jean, à affirmer que Jésus est le Messie, l'envoyé de Dieu, son représentant venu jusqu'à nous, le Fils de Dieu Lui-même ! La première. Et elle le dit sans hésiter, d'un trait.

Déjà quelques instants avant, elle avait dit : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ».

Et c'est, mot pour mot, ce que, quelques minutes plus tard, dira aussi sa sœur Marie, elle aussi accourue.

Mais à Marie, Jésus ne répond pas en lui demandant si elle croit vraiment ; il ne répond pas du tout. Mais il agit : il pleure, en partageant leur douleur à tous.

Et il prie.

Et sa prière est entendue : Lazare ressuscite, il sort de son propre tombeau.

Souffrance partagée, prière : la vie qui revient.

Quelle démonstration de ce que peuvent la souffrance partagée et la prière !

Marthe a eu raison de croire, comme Marie, déjà, avait eu raison d'écouter Jésus.

Oui, quel « oui » magnifique ! Et l'avez-vous remarqué ? C'est le même « oui » que vous allez dire tout à l’heure, que Dieu vous donne de dire, et que vous voulez dire, exactement le même :

« Oui, Jésus est le Christ, le fils de Dieu ».

Et Lui, Dieu, vous répond : « Oui, moi aussi je t'aime, toi, je te garde et j'éveillerai toujours ta vie ! ».

Alors, que votre oui soit un vrai oui, tonitruant, qui vienne du plus profond de vous, d'au delà de vous, qui vous emporte le cœur et vous engage pour la vie !

Deuxième épisode, deuxième leçon : dire un vrai « oui » à Dieu.

Troisième épisode, toujours chez Jean (12 : 1-8)

Lazare est là, ressuscité, à la fois témoin et témoignage de ce que peuvent la souffrance partagée et la prière.

Marthe, de nouveau, sert le repas.

Marie, elle, est de nouveau aux pieds de Jésus, mais pour les couvrir de parfum et les essuyer de ses cheveux...

En réalité, l'une et l'autre servent : l'une matériellement, l'autre spirituellement.

Comme si les deux aspects ne pouvaient être dissociés, le service des autres et le service de Dieu.

Comme si notre engagement ne pouvait être que double, auprès des autres, et envers Dieu.

Comme si votre engagement, aujourd'hui, ne pouvait être que double, auprès des autres, ceux que vous rencontrerez, ceux qui vous rencontreront, et ceux que vous déciderez de rencontrer durant votre vie ; et envers Dieu, qui toujours frappera à votre porte, et toujours sera prêt à marcher à côté de vous.

Et le parfum emplit la maison...

Le double parfum : celui de la cuisine de Marthe, et celui du flacon de Marie... C’est ce double parfum qui remplit la maison. La maison, ou l'Eglise, ou le monde ; comme il peut remplir votre vie et l'éveiller tout autour de vous...

Mais voilà qu’intervient Judas, le porte-monnaie du groupe des compagnons de Jésus, les disciples, celui qui le trahira. Que dit-il ? Une belle pensée : ‘’Ce parfum coûtait très cher, c’est du gâchis ; on aurait pu le vendre et en distribuer le produit aux pauvres.’’ 300 deniers, dit-il – dix fois plus que ce qu’il demandera pour trahir Jésus, pour livrer le Fils de Dieu, celui qui l’a aimé et qu’il a aimé…

Mais cette belle pensée ressemble à une vieille échappatoire qui nous est familière : donner un peu d’argent pour nous débarrasser du problème de la pauvreté et de notre mauvaise conscience…

Et l’auteur, Jean, croit pourvoir ajouter que Judas a bien l’intention de puiser dans la caisse. Cela se voit beaucoup, ces temps-ci, l’actualité en est pleine… Peut-être est-ce écrit là pour nous mettre en garde : mêler service des autres et argent est toujours ambigu et dangereux…

Et que répond Jésus ? Son propre exemple : il va montrer à travers lui-même ce qu’est vraiment le service des autres : il donne tout. Lui, son amour le conduira jusqu’à la tombe, jusqu’à la croix, la mort acceptée, puisqu’il a accepté de tout donner. Le contraire de Judas.

Ainsi la croix, honteuse, deviendra le comble de la gloire,

le crucifié deviendra pour le monde entier la figure du Dieu qui donne tout pour garder ses enfants : vous, moi.

La croix, qui conjugue le service et la prière,

et nous montre le vrai chemin de l’amour : tout donner.

Alors, finalement, êtes-vous Marthe ou Marie ?

En fait, elles se sont retrouvées pour dire d'un même élan : Oui, je crois, et tu peux rendre la vie. Et elles se sont complétées, l'une par l'action, l'autre par la confiance ; elles se sont démontrées l'une l'autre : l'une la foi, l'autre le résultat de la foi. Service et prière ne s'opposent plus, ils se rejoignent et se complètent.

Alors Marthe ou Marie ? Active ou priante, actif ou priant ? C'est selon le tempérament de chacun, et cela n'a pas d'importance, puisque l'une appelle et rejoint l'autre.

D'ailleurs, si la foi n'appelait pas l'action, et si l'amour n'appelait pas la prière, et la prière l'amour, il y aurait mensonge.

Troisième épisode, troisième leçon : la prière et le service des autres sont inséparables.

Et donc en combinant Marthe et Marie, vous changerez le monde – c'était le rêve de ma génération – en tout cas vous changerez la vie, c'est en notre pouvoir à tous, et vous le ferez.

Que Dieu vous donne de le faire ! Et nous tous, ici aujourd’hui, nous prierons pour que, comme le dit Jésus, votre oui soit oui. Nous avons confiance en vous, et nous aussi redirons « oui » avec vous

Jean-paul Morley

Culte des confirmations, 8 juin 2014

Partager cet article
Repost0
26 mars 2014 3 26 /03 /mars /2014 15:42

Jésus Christ, pourquoi ai-je du mal à en parler ? Comment répondre quand on m’interroge sur ma foi ?

Pour s’y préparer, deux propositions :

  1. Relire un des plus célèbres dialogues de Jésus, celui avec la Samaritaine, où Jésus déjoue tous les pièges du conformisme. Le relire en y insérant de petites remarques sur son fonctionnement et sa progression, en gros sur la ‘méthode Jésus’.
  2. Inventer un dialogue entre les objections d’un incroyants (peut-être vous !) et les réponses d’un croyant – pourquoi pas vous ? Un dialogue préparé avec le groupe des 19-30 ans de notre communauté.

1° Dialogue : Jésus et la Samaritaine.

(Jean 4 :7-25)

7 Une femme de Samarie vint pour puiser de l'eau et Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » 8 — Ses disciples étaient allés à la ville acheter de quoi manger.

9 La femme samaritaine dit à Jésus : « Mais, tu es Juif ! Comment oses-tu donc me demander à boire, à moi, une Samaritaine ? » — En effet, les Juifs n'ont pas de relations avec les Samaritains.

D’emblée, la situation est posée : ces deux personnes sont différentes, voire opposées : une femme, un homme ; un Juif, une Samaritaine, c’est-à-dire deux nations, deux cultures différentes ; une Samaritaine, un Juif, donc deux religions proches mais différentes, concurrentes.

10 Jésus lui répondit : « Si tu connaissais ce que Dieu donne, et qui est celui qui te demande à boire, c'est toi qui lui aurais demandé de l'eau et il t'aurait donné de l'eau vive. »

Jésus change aussitôt de registre : il ne répond pas à l’obstacle social formulé par la femme, il change de niveau, ne parle pas d’elle et de lui, mais de l’eau, d’une eau différentes, vive, mal définie …..

11 La femme répliqua : « Maître, tu n'as pas de seau et le puits est profond. Comment pourrais-tu avoir cette eau vive ? 12 Notre ancêtre Jacob nous a donné ce puits ; il a bu lui-même de son eau, ses fils et ses troupeaux en ont bu aussi. Penses-tu être plus grand que Jacob ? »

Elle a senti le changement de registre. Mais, prudente, elle se méfie, et reste, pense toujours ‘eau à boire’. Mais elle s’approche quand même, malgré elle, du sujet religieux : « Penses-tu être plus grand que notre Père Jacob ? »

13 Jésus lui répondit : « Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ; 14 mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif : l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'où jaillira la vie éternelle. »

Nouveau saut, nouveau changement de registre : Jésus passe de la simple survie physiologique, l’eau nécessaire pour la vie physique, à la vie éternelle : il passe de la vie quotidienne, normale, dont tout le monde parle, à la vie spirituelle, la foi, dont personne n’ose parler, surtout aujourd’hui dans une société où cela ne se fait pas, comme alors entre Juifs et Samaritains.

15 La femme lui dit : « Maître, donne-moi cette eau, pour que je n'aie plus soif et que je n'aie plus besoin de venir puiser de l'eau ici. »

16 Jésus lui dit : « Va chercher ton mari et reviens ici. »

17 La femme lui répondit : « Je n'ai pas de mari. »

La femme fait semblant de ne pas comprendre, elle non plus ne veut pas parler de choses spirituelles. Elle préfère en rester encore à l’eau matérielle et à sa corvée quotidienne. Alors Jésus, sans prévenir, met le doigt sur l’intime, le personnel, là où cela fait mal... Il a compris, en voyant la femme venir seule au puits à midi, qu’elle avait un problème social.

Et Jésus lui déclara : « Tu as raison d'affirmer que tu n'as pas de mari ; 18 car tu as eu cinq maris, et l'homme avec lequel tu vis maintenant n'est pas ton mari. Tu as dit la vérité. »…

Jésus appuie encore plus fort, là où cela fait vraiment mal, affectivement et socialement ; là où la femme se pose vraiment des questions, des culpabilités et des angoisses…

Personne ne se permettrait une telle intrusion ; lui si, mais sans y mettre aucun jugement …….

19 Alors la femme s'exclama : « Maître, je vois que tu es un prophète. 20 Nos ancêtres samaritains ont adoré Dieu sur cette montagne, mais vous, les Juifs, vous dites que l'endroit où l'on doit adorer Dieu est à Jérusalem. »

21 Jésus lui répondit : « Crois-moi, le moment vient où vous n'adorerez le Père ni sur cette montagne, ni à Jérusalem.

22 Vous, les Samaritains, vous adorez Dieu sans le connaître ; nous, les Juifs, nous l'adorons et le connaissons, car le salut vient des Juifs.

23 Mais le moment vient, et il est même déjà là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en étant guidés par son Esprit et selon sa vérité ; car tels sont les adorateurs que veut le Père. ..

24 Dieu est Esprit, et ceux qui l'adorent doivent l'adorer en étant guidés par son Esprit

et selon sa vérité. »

Et la femme, cette fois, bascule : elle accepte de placer le dialogue au niveau spirituel, elle accepte d’écouter, elle sait que sa vraie détresse est par là.

Et celui qu’elle appelait « Toi, Juif », puis « Maître », elle l’appelle « Toi, tu es prophète » tu parles de la part de Dieu

Elle se défend encore, mais elle va accepter.

25 La femme lui dit : « Je sais que le Messie – c'est-à-dire le Christ – va venir.

Quand il viendra, il nous expliquera tout. »

La voici au seuil de la confession de foi.

Bientôt, elle retournera dire au village que c’est peut-être le Messie qui est là, tout proche..

Quelles leçons tirer de cet étrange dialogue, où Jésus, assez peu sympathique, bouscule et déstabilise cette malheureuse, mais la renvoie transformée ?

5 étapes, peut-être :

1 – Oser parler à ceux qui n’ont pas la même foi que nous ;

2 – Sans se laisser enfermer dans les échanges inoffensifs, conventionnels et quotidiens ;

3 – Mais partir de ces préoccupations quotidiennes, pour :

4 – Non parler de son Dieu et de sa foi, mais parler, oser aborder ce qui touche vraiment et personnellement la personne en face de soi, avec beaucoup de délicatesse et sans aucun jugement, mais avec ce culot de Jésus – socialement très mal vu. Essayez, avec délicatesse et sans jugement : on vous remerciera sans doute.

5 – Alors, pouvoir parler de ce que l’on vit, soi-même, comme foi.

2° Questions d’un incroyant

  1. Pourquoi veux-tu tellement parler de Dieu ou de Jésus Christ ? Ne peux-tu pas te contenter de répondre aux questions que suscite ta façon d’être ?
  • D’accord : ma façon d’être peut aussi susciter les questions, c’est mieux que mettre les gens mal à l’aise… Au fait, toi, que fais-tu pour que ta façon d’être suscite les questions ?
  1. Bon, bon, faut peut-être que je fasse un effort… Mais dès que tu te dis croyant, et pire encore, chrétien, on te dit que la religion, c’est tous des extrémistes !
  • Toi qui me connais, tu me trouves vraiment extrémiste ?
  1. Peut-être pas, mais vous êtes tous réactionnaires. Regarde la position de toutes les religions sur l’homosexualité, le divorce, la contraception et l’avortement, la place de la femme, le mariage des prêtres, le pape, et je ne parle pas de la pseudo théorie du genre…
  • Justement, tous les religieux ne sont pas réactionnaires ! Et les protestants comme nous sont souvent, non seulement en phase avec les évolutions sociales, mais même en pointe : le Planning Familial, c’était créé par qui ? Les pasteurs mariés et les femmes pasteurs, c’est chez qui ? La liberté de conscience inventée au XVIe siècle, par qui ? La démocratie appliquée dans l’Eglise 3 siècle avant les Etats, c’était chez qui ? L’école pour tous, garçons et filles, commencée chez qui ? L’économie de marché, portée par qui ? La Croix rouge, Amnesty International, la Cimade, l’Acat, créés par qui ? Et même la laïcité, promue par qui ?
  1. Ah bon, c’est chez vous, tout ça ? Mais quand même : ces histoires pas mal légendaires de la Bible, ces croyances aux miracles, tout ça, difficile d’y croire… Je te croyais intelligent… Franchement : on n’a plus besoin de tout ça aujourd’hui ? La religion, à quoi ça sert de nos jours, c’est bon pour les faibles, non ?
  • Bon pour les faibles ? Oui, heureusement ! Et tant mieux ! Voilà une excellente nouvelle, et plutôt rare de nos jours ! Et toi, au fait, tu es fort tous les jours ? Tu n’as jamais de doutes, d’interrogations, de soucis, d’inquiétudes ?

Alors, la foi ça sert à voir plus clair, à ne jamais être seul, à se sentir aimé et accepté malgré tout ; et parfois pardonné, puisqu’on en a tous besoin.

Se sentir aimé et accepté même quand on est au chômage, ou quand tes enfants se rebellent, ou que ton conjoint te quitte…

La foi, c’est avoir quelqu’un à qui tu peux parler et tout dire, tout ; et c’est entendre ce que te suggère quelqu’un de plus grand, qui voit plus loin et plus large que toi.

Et puis c’est aussi recevoir l’amitié et la confiance d’une communauté fraternelle.

En gros, c’est recevoir une clef pour toute ta vie : la clef du bonheur et la clef de ta raison d’être, la direction de ta vie. C’est quoi, cette clef ? Le cœur de l’Evangile, ce qu’a démontré Jésus sur la croix – tu connais ? – qu’il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir, que le seul secret de la vie, c’est d’aimer et non d’être aimé et admiré. Le reste vient ensuite, de lui-même.

  1. Un peu idéaliste tout ça, mais bon, admettons. Et c’est pour cela que tu crois ? Au fond, pourquoi et en quoi tu crois ?
  • Là, si on vous pose la question, qui est peut-être la plus intéressée, et donc la plus précieuse et la plus convaincante pour votre interlocuteur, le mieux est sans doute que, sans crainte, vous racontiez et expliquez votre propre cheminement ou parcours personnel, vers la foi et dans la foi… En toute sincérité.
  1. Mais dis-moi, il y a d’autres religions qui ne disent pas tout à fait la même chose ? Est-ce que la tienne est la seule vraie ? Est-elle LA vérité ? Et toutes les autres auraient tort ? Si tu étais né en Algérie ou en Chine, crois-tu que tu serais chrétien et protestant ?
  • Je serais sûrement différent. Mais peut-être que Dieu est plus grand que ces différences ? Et s’Il savait écouter toutes les différences, toutes les prières, toutes les religions, toutes les cultures ? S’Il savait parler toutes les langues, mêmes secrètes ou intérieures, et écouter chacun dans sa langue et sa religion ?

Et si les différentes religions étaient simplement différentes façons humaines de le concevoir et de l’approcher, mais qu’il s’agissait toujours du même Dieu, du même Père de tous les humains, et du même projet d’amour et de pardon pour l’humanité ?

  1. Dans ce cas, pourquoi toutes les religions ne s’entendent-elles pas pour s’unir ?
  • Peut-être parce que la diversité est une richesse, et que Dieu ne voit pas de raison de s’en priver ni de nous en priver !
  1. C’est vrai, vous les protestants vous êtes libéraux, ouverts et tout… Mais alors qu’est-ce que vous avez de spécifique, à quoi vous servez ?
  • Avant d’être protestants, nous sommes chrétiens. Chrétiens, c'est-à-dire croyant que Jésus de Nazareth est ce qu’on appelle le Christ. Pourquoi ? Parce qu’en acceptant de mourir sur une croix, sans essayer de se défendre ni même de se justifier, il a démontré ce qu’il prêchait : que l’amour, dont nous rêvons tous, signifie donner et se donner jusqu’au bout, totalement. Et que cet amour-là est à la fois le secret de la vie et le seul à être vainqueur : c’est ce que ses disciples ont compris en annonçant que Jésus était ressuscité. Cela, c’est la foi chrétienne.

Quoi de particulier avec les protestants ? Rien de plus, sinon qu’ils essaient de vivre cela le mieux possible, avec la certitude que Dieu nous accueille et nous accueillera tous, et sera finalement vainqueur du mal qui nous assaille de partout.

Et à quoi ils servent, les protestants ? Mais à être le sel de la terre ! Une belle ambition, non ?

  1. Si tu le dis… Et à quoi il ressemble ton Dieu si gentil ?
  • Eh bien, c’est peut-être le moment de proposer une confession de foi… ?

La mienne !

Mon Dieu, c’est la force qui a créé l’univers

C’est le Père qui a voulu l’espèce humaine,
qui l’a voulue libre pour pouvoir l’aimer,
qui lui offre son amour sans limite en dépit de nos piètres comportements,
et qui voudrait nous convertir à cet amour.

C’est Jésus, le Fils, qui prend sur lui toutes nos souffrances – et celles de Dieu !
à travers l’événement inouï, à la fois historique et cosmique, de la croix du Christ et de sa résurrection ;

C’est l’Esprit qui nous parle,

nous murmure à l’oreille si nous voulons bien l’écouter,

nous console, nous encourage, nous accompagne, nous pardonne

et nous invite à vivre droits, responsables, solidaires, généreux ;

bref nous invite à aimer, et donc à être heureux…

Voilà, pour moi, le Dieu de la Bible, mon Dieu.

Amen !

Partager cet article
Repost0