Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 février 2016 3 10 /02 /février /2016 19:19

La foi et la raison… Ennemies ou copines ?

Par les temps qui courent, l'impression est plutôt qu'elles sont ennemies. Quand on voit où mène la terrible certitude de posséder la seule vérité, généralement associée à la volonté de l'imposer aux autres… Quand on voit ce que cela donne au Moyen-Orient, ou même ici en France, avec les contre-radicalisations qui surgissent jusque chez des chrétiens ou chez les tenants d'une laïcité anti-religieuse… On a peur.

Mais doit-on forcément choisir entre croire et réfléchir ?

Et si, au contraire, c'était maintenant ou jamais que nous avions besoin de marier la foi avec la raison ?

Essayons d'y voir clair. Qu'en dit la Bible ? Déjà, parle-t-elle de ce mariage ou de ce combat entre foi et raison ? La réponse est oui.

D'abord un incroyable scénario, et terriblement intelligent :

Premier temps : Dieu crée l'univers. Et au centre – si tant est que l'univers ait un centre – Dieu crée l'être humain, qu'Il crée à sa propre image, c'est-à-dire homme et femme à la fois, ensemble.

Deuxième temps : le Créateur place l'homme et la femme dans un magnifique jardin, tout confort et toute abondance. Les humains n'ont rien à faire, ni à travailler ; mais ils s'ennuient peut-être un peu, leur vie n'est pas très créative…

Troisième temps : le Créateur, un peu machiavélique, plante au milieu du jardin un bel arbre, un arbre qui donne la connaissance : à la fois l'intelligence et le jugement entre ce qui est bon et ce qui ne l'est pas. Voilà un arbre bien intéressant ! Mais Dieu interdit d'en consommer…

Quatrième temps : pourtant le Créateur, de plus en plus machiavélique, envoie sa créature la plus astucieuse, le serpent, pour inciter l'homme et la femme à consommer quand-même de cet arbre…

Cinquième temps : ils craquent, ils consomment, sans doute d'ailleurs dans tous les sens du mot, et...miracle ! Leurs yeux s'ouvrent, la connaissance leur vient, l'intelligence, la raison, et le jugement entre ce qui est bon et ce qui est mauvais…

Sixième temps : ayant ainsi reçu, et même gagné, la liberté, ils reçoivent aussi la responsabilité ; et Dieu, en les chassant du paradis, leur confie la terre, à dominer, cultiver et garder.

Formidable scénario conçu par Dieu, le Créateur – et avec quel humour – pour les humains, accédant, par leur propre initiative, à l'intelligence, la liberté et la responsabilité…

Chacun aura reconnu le début de la Bible, où Adam et Eve, tentés par le serpent, transgressent l'interdit et croquent le fruit de la connaissance du bien et du mal. Traditionnellement, dans la mémoire de chacun, ce récit mythique est présenté comme un péché originel, une faute des premiers humains vis-à-vis de Dieu, une faute conduisant à une chute.

Mais mon récit a raconté l'inverse : une transgression, oui, mais qui permet à l'être humain de savoir, de choisir et de décider. Une ascension, et non une chute. D'ailleurs, la Bible ne parle jamais de chute à ce sujet…

Et voilà : mon modeste résumé est un exemple de mariage entre la raison et la foi, un exemple de la réflexion appliquée à la tradition biblique et religieuse. Qui d'un coup passe d'une vision accablante et culpabilisatrice à une vision engageante et libératrice : lumineuse !

Cerise sur le gâteau : cet exemple de combinaison de la foi, de la tradition et de la raison nous suggère justement que Dieu a voulu notre intelligence et notre jugement.

Et s'Il a voulu notre intelligence et notre jugement, c'est pour nous en servir, y compris et peut-être d'abord avec Lui, dans notre relation avec Lui, dans notre compréhension de ce qu'Il est et de ce qu'Il nous veut. Il a voulu que foi et raison soient copines…

D'autres indices de la foi et de la raison bonnes copines ? Bien sûr.

Au début des Évangiles, lors de ce qui est presque une autre Création, Jésus parle et agit pour la première fois : c'est encore un enfant, il a 12 ans, un préado. Il est à Jérusalem avec ses parents. Mais il leur échappe, se glisse dans le magnifique Temple de Jérusalem, tout neuf, qu'Hérode vient de bâtir, et il s'approche d'un groupe de sages qui discutent de la Loi de Dieu. Alors tout gamin qu'il soit, Jésus se mêle à la conversation, les interroge, répond, discute, compare, acquiesce, met en question, et les docteurs en théologie sont impressionnés par son intelligence et sa perspicacité. Je cite la Bible « Tous ceux qui l'entendaient étaient stupéfaits de son intelligence et de ses réponses »… Non pas de sa foi, ses miracles ou son charisme, mais de son intelligence ! Ainsi, la première chose que Jésus encore enfant fait dans l’Évangile, c'est de dialoguer, réfléchir et échanger avec des experts en foi et en religion…

Quel encouragement !

Et d'ailleurs, si nous-même ne le faisons pas, si nous dédaignons, si nous nous interdisons, pire : si nous interdisons de réfléchir sur notre foi, nos croyances et nos convictions, alors nous nous exposons à de cinglantes répliques de la part de Jésus Lui-même, le Fils de Dieu. Je cite à nouveau, dans la Bible, Jésus : « Etes-vous encore sans intelligence, vous aussi ? Ne comprenez-vous donc pas ? » .

Un reproche qui fait écho au Livre de Job. Job, c’est cet homme juste et pieux qui est précipité dans un malheur sans fond, une détresse du diable, et qui alors discute pied à pied avec trois amis férus de théologie. Et il affirme et montre que Dieu est injuste dans ses sanctions. Finalement Dieu interviendra, donnera raison à Job, et se tournera vers ses trois amis, je cite encore la Bible : « Je suis en colère contre vous trois, parce que vous n'avez pas parlé de moi correctement », mais « avec folie ». Et il invite Job à discuter avec Lui !

Magnifique, non ?

Une question quand-même : à quoi bon réfléchir sur Dieu, la foi, la Bible : ne suffit-il pas de croire ce que les Eglises ont toujours enseigné ; ne risquons-nous pas d'ébranler et de détruire la foi, la nôtre et celle des gens simples, de remettre en question la sérénité et la paix intérieures que procure la foi ?

Répondons par un autre exemple, sensible, qui fait partie du dogme de toutes les Eglises :

la résurrection de Jésus.

S'agit-il d'une résurrection physique, corporelle, comme le suggèrent certains textes du Nouveau Testament ? Pourquoi pas ! On peut, mais on a un peu de mal, à y croire. Et finalement cela ne nous concernerait pas trop : cela n'a duré que quarante jours, et quant à nous, nous nous doutons bien que nous n'avons guère de chances de ressusciter corporellement, ‘corruptiblement’ écrirait l'apôtre Paul…

S'agit-il alors d'une résurrection spirituelle, comme le suggèrent d'autres textes du Nouveau Testament ? Pourquoi pas ! Que Jésus soit ressuscité en Dieu, certainement : si Dieu était en Lui, ils se sont certainement réunis. A-t-il aussi ressuscité dans ses paroles ? Ou dans le cœur de ses croyants, ou dans l'assemblée de ses compagnons, ceux et celles qui ont cru en Lui ?

Cette résurrection-là, qui peut paraître un peu fade ou édulcorée, pourrait paradoxalement se révéler plus forte, et nous concerner davantage. Car nous pouvons nous-même accueillir sa présence, en nous et dans nos communautés, dans notre prière et dans la communion, le pain et le vin. Et peut-être même comprendre, parfois, que le Ressuscité vit et agit en nous, dans certains de nos actes, dans certaines de nos paroles, dans ce qu'Il change profondément en nous.

On a le droit de croire à une résurrection physique, corporelle. Mais on n'est pas obligé.

On a le droit de croire à une résurrection spirituelle et dans la communauté. Mais on n'est pas obligé.

On a le droit de ne pas y croire vraiment, mais d'accueillir malgré tout sa parole et ses promesses.

On a le droit, tout simplement, de poser la question, même dans une Eglise, et de réfléchir.

Et on a le droit de vivre tout cela ensemble, d'en parler, d'y réfléchir, d'échanger, et d'accepter nos divergences de compréhension. Et d'en discuter, comme Jésus au Temple de Jérusalem…

Savez-vous par quelle petite histoire les rabbins affirment cela, avec vigueur ?

Un jour, plusieurs rabbins discutent d'un point de la Thora, la Loi de Moïse. Et ils ne sont pas d'accord. D'un côté, le rabbin Ouzia, un très grand maître, tient pour une interprétation. Tous ses collègues la rejettent fermement.

Excédé, mais sûr de son interprétation, le rabbin Ouzia finit par s'exclamer : « Si j'ai raison, que les oiseaux cessent immédiatement de chanter ! ». Et aussitôt, ils cessent. Mais tous les autres rabbins : « Qu'est-ce que les oiseaux connaissent de la Loi ? Ils n'en savent rien ! ».

Alors rabbi Ouzia : « Eh, bien, si j'ai raison, que le torrent à côté de la maison change de sens ! ». Et le torrent change de sens. Mais les autres rabbins : « Le torrent n'est pas un juge de la Thora ! ».

Alors le rabbi Ouzia : « Que les murs de cette pièce disent si je n'ai pas raison ! ». Et les murs commencent à s'incliner vers l'intérieur… Mais les rabbins : « Murs ! De quel droit vous mêlez-vous de notre controverse ? ». Et les murs se redressent.

Alors, en désespoir de cause, rabbi Ouzia prie : « Seigneur, je n'ai plus que toi, dis-leur ! ». Et l'on entend un grondement venir du fond des Cieux, puis une voix proclamer : « C'est Ouzia qui a raison ! ». Mais les rabbins lui répondent : « Seigneur Tout Puissant, bénis soit ton Nom, mais souviens-toi, tu nous as confié la Thora, à nous ton peuple, au Sinaï. Elle n'est plus au Ciel, elle est ici, parmi nous, tu nous l'as confiée. Tu n'as plus à nous dire comment l’interpréter ! ».

D'après ces rabbins, loin d'être un danger, c'est un devoir de réfléchir et d’interpréter nous-mêmes la Bible, même au risque de se tromper.

Si Dieu nous a donné la capacité inouïe de comprendre l'invisible, de l'infiniment petit à l'univers infiniment grand, c'est aussi pour Le comprendre Lui, l'inventeur de cette ahurissante complexité. C'est aussi pour comprendre ce qu'Il nous dit, ce qu'Il nous veut et ce qu'Il nous promet dans la Bible ; pour correspondre et dialoguer avec Lui. Il nous a donné l'autorité pour le faire, l'autorité pour comprendre, interpréter et partager sa Parole.

Et c'est pour cela que notre Eglise, ici, de Pentemont-Luxembourg, à travers les quatre axes de sa réflexion pour son nouveau Projet de Vie, veut se donner trois mots d'ordre pour l'avenir :

« Partager – Croire - Réfléchir ».

N'est-ce pas notre responsabilité ?

Jean-paul Morley

Cultes du 7 février 2016

Lectures : Genèse 3 : 1-7

Luc 2 : 41-47

Partager cet article
Repost0

commentaires